Une ascension éclair
Né en 1985, Mohammed ben Salman, surnommé MBS est le prince héritier et « seulement » vice premier ministre d’Arabie Saoudite. Mais, dans les faits, il dirige le pays après avoir évincé ses rivaux lors d’une guerre de succession interne.
Entre le 8 et le 10 avril, il a été en visite en France, accueilli comme un chef d’Etat. Si des contrats sont évoqués, ce sont surtout des questions géopolitiques dont il sera question, notamment des relations avec l’Iran, du Liban, du Yémen ou du terrorisme.
En matière économique, le défi pour le jeune prince est avant tout interne.
Se défaire de la dépendance au pétrole
L’Arabie Saoudite n’est pas un pays pauvre. En termes de PIB par habitant en parités de pouvoir d’achat, elle se situe même devant la France (39 600 dollars en France contre 50 300 en Arabie Saoudite).
Cependant, l’économie saoudienne est étroitement dépendante du pétrole. Plus de la moitié des recettes de l’Etat et les trois quarts des exportations sont liés au pétrole. De ce fait, l’économie du pays est très dépendante des fluctuations du prix du baril.
La croissance économique est à l’arrêt du fait des faibles prix du pétrole qui ont conduit à l’instauration de mesures de rigueur. Le déficit public s’est envolé à 17 % du PIB en 2016 et la balance commerciale, longtemps excédentaire, a connu des déficits importants. L’Arabie saoudite est victime de la maladie hollandaise.
La maladie hollandaise (aussi appelée « syndrome » hollandais ou « malédiction des matières premières ») désigne le fait qu’un pays possédant de nombreuses ressources naturelles ne connait pas forcément de développement économique plus rapide que ceux qui en sont dépourvus, voire même se développe moins vite. Par exemple, l’industrie pétrolière peut créer une économie de rente qui asphyxie les autres secteurs, notamment via une appréciation du taux de change et une hausse des salaires.
L’ambition de Mohammed ben Salman est de diversifier l’économie du pays notamment à travers son plan « vision 2030 ». Ce programme de réformes vise à intégrer plus étroitement l’économie saoudienne au reste du monde, à développer le tourisme et les énergies renouvelables, ainsi qu’à faciliter l’intégration des femmes à la vie économique.
Plus globalement, le jeune prince cherche à déverrouiller la société saoudienne très conservatrice, par exemple avec l’ouverture annoncée de cinémas, qui étaient interdits depuis des décennies.
Ces réformes peuvent-elles réussir ?
Si la volonté réformatrice de Mohammed ben Salman est accueillie favorablement en Occident, il reste encore à passer des discours et des mesures symboliques aux actes concrets.
Sur le plan extérieur, l’intervention militaire au Yémen ou les tensions avec le Qatar et l’Iran sont la preuve d’une certaine agressivité saoudienne. Sur le plan intérieur, les réformes sociales, par exemple sur la tenue vestimentaire des femmes, sont encore plus symboliques que révélatrices d’un profond bouleversement culturel.
Economiquement, la diversification au-delà du pétrole risque d’être très difficile dans un pays ne possédant pas de tradition industrielle ou tertiaire forte.
Car le propre du pétrole est justement de, tel un coucou, pousser les autres activités hors du nid. En effet, l’exploitation pétrolière fait augmenter les salaires moyens d’un pays (car toutes les activités doivent s’aligner sur les généreux salaires du secteur pétrolier pour attirer du personnel qualifié) et conduit à une appréciation du taux de change (du fait des exportations de pétrole). Ainsi, les autres secteurs de l’économie voient leur compétitivité se détériorer et ne peuvent survivre.