L’évolution des inégalités de revenu dans le monde
Les inégalités diffèrent fortement selon les pays. Par exemple, en 2016, les 10 % de la population les plus prospères percevaient 37 % des revenus totaux en Europe, 47 % en Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) et 61 % au Moyen Orient.
Depuis 1980, cette part du revenu national captée par les 10 % les plus riches a augmenté sur tous les continents, quoique à des vitesses différentes. Les inégalités ont légèrement augmenté en Europe (la part des 10 % les plus riches est passée de 32 % à 37 % entre 1980 et 2016), mais beaucoup plus aux Etats-Unis et au Canada (la part des 10 % les plus riches a progressé de 35 % à 47 % sur la même période).
Les inégalités sont souvent calculées à l’aide du coefficient de Gini, qui mesure la répartition des salaires ou des patrimoines au sein de la population. Cependant, le rapport utilise peu cette statistique car, selon Thomas Piketty, elle a le défaut de minimiser les inégalités aux deux bouts de la distribution (très riches et très pauvres).
La dynamique des patrimoines publics et privés
Le rapport présente une analyse approfondie d’un thème rarement abordé en économie : l’évolution des patrimoines publics et privés.
Le résultat, pour les pays développés, est très nettement une hausse du patrimoine net privé (c’est-à-dire l’ensemble du patrimoine détenu par les agents privés comme les ménages et les entreprises) et une baisse du patrimoine net public (le patrimoine détenu par les Etats et administrations publiques, comme des bâtiments ou des entreprises publiques).
Par exemple en France, le patrimoine net privé est passée de 300 % du revenu national (le rapport préfère parler de revenu national plutôt que de PIB, mais les deux statistiques diffèrent peu pour un pays comme la France) en 1970 à près de 600 % en 2015. L’évolution est à peu près analogue dans les autres pays développés.
Dans le même temps, le patrimoine net public a baissé en France d’environ 40 % à 10 % du revenu national. Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, il est même devenu négatif.
Ce que l’on appelle patrimoine net c’est la différence entre les actifs (bâtiments, actions…) et les dettes. Si les dettes sont supérieures aux actifs, le patrimoine net peut donc logiquement devenir négatif.
La dynamique des inégalités de patrimoine mondiales
Les inégalités de patrimoine sont elles aussi en hausse depuis une trentaine d’années, même si le rapport précise que les données sont moins exhaustives concernant les patrimoines que s’agissant des revenus.
Cependant, sur une plus longue période, les inégalités de patrimoine ont baissé. Par exemple, en France, les 1 % des ménages les plus fortunés possédaient environ 55 % du patrimoine total des ménages en 1900, contre 22 % aujourd’hui. Néanmoins, cela représente une hausse par rapport aux années 1980 où la part des 1 % avait atteint un plancher à environ 16 % du patrimoine total.
Combattre les inégalités économiques
Si la trajectoire observée pendant les trente dernières années se poursuit, alors les inégalités continueront de croître.
Cependant, le creusement des inégalités n’est pas une fatalité. La forte croissance des pays émergents, et donc la hausse du niveau de vie des personnes les plus pauvres, comme des politiques fiscales ambitieuses, pourraient freiner, voire inverser l’aggravation des inégalités.
Par exemple, l’Europe a connu une moins forte hausse des inégalités que les Etats-Unis depuis les années 1980, du fait notamment d’une fiscalité plus lourde sur les hauts revenus. Une hausse de la taxation des plus riches, ainsi que la lutte contre les paradis fiscaux pour éviter les stratégies « d’optimisation fiscale », sont des outils efficaces pour corriger les inégalités. De tels impôts permettraient aussi de financer des programmes sociaux (le rapport pointe notamment l’importance de l’éducation) facilitant la hausse du niveau de vie des plus modestes.