Le référé adressé au Premier ministre, et rendu public le 10 avril dernier, ne fait qu’enfoncer le clou. Car de nombreux rapports sont régulièrement publiés sur l’efficacité relative de certaines niches fiscales. L’immobilier locatif, qui bénéficie de « béquilles » depuis plus de 50 ans, n’échappe pas à la règle ! Le rapport porte sur les années 2009-2016, avec une dépense fiscale estimée à 1,7 Md€ pour la seule année 2016 !
« La Cour constate que l’impact économique de ces aides est limité et que leur efficacité, du point de vue de l’objectif social d’un accroissement du nombre de logements locatifs accessibles, est faible, au regard du montant de la réduction de recettes fiscales ainsi consentie par l’État ». Didier Migaud, Président de la Cour des comptes.
Des dépenses fiscales nombreuses mais une efficacité très discutable
La Cour a examiné le coût et l’efficacité de ces dépenses fiscales au regard des principaux objectifs qui leur sont assignés : l’appui au secteur du bâtiment et le soutien à l’offre de logements locatifs.
Malraux, Robien, Besson, Périssol, Scellier, Duflot, Pinel… Presque tous les ministres du logement ont gravé leur nom dans la pierre ! Et de nombreuses niches fiscales portent leur nom.
Des niches qui coûtent cher à l’Etat
« Au cours de la période, le montant annuel des réductions d’impôt sur le revenu consenties à des bailleurs individuels a constamment progressé, en passant de 606 M€ en 2009 à 1 138M€ en 2012, puis 1 717 M€ en 2015 », peut-on lire dans le référé. Et les chiffres ne pourront que grossir au fil des années suivantes : pour le seul régime « Pinel », dernier en date, qui a été prorogé par la dernière loi de finances, et en dépit du recentrage du dispositif sur des zones plus restreintes, le coût, à terme, serait de 7,4 Md€ !
De plus, ces avantages fiscaux concernent des contribuables bénéficiant de revenus très élevés : un quart des bénéficiaires ont des revenus supérieurs à 71 000 €, soit seulement 2,3 % des foyers imposés.
Des logements qui valent très cher !
La Cour des comptes a calculé que le coût annuel pour les finances publiques d’un logement de 190 000 € bénéficiant de l’avantage Pinel était, toutes choses égales par ailleurs, trois fois plus élevé que celui d’un logement social comparable, financé par un prêt locatif social.
Des effets sur le niveau des loyers parfois à contrecourant
« L’augmentation de l’offre locative attendue de ces aides fiscales est censée exercer un effet modérateur sur les loyers de marché ». Or, ces logements sont souvent rares dans les zones dites tendues, et leur nombre global (30 000 à 50 000) reste très faible comparé au parc locatif global (plus de 5,8 millions d’unités). Pire ! Le loyer « plafond » lié à ces dispositifs est dans certains cas supérieur au loyer moyen pratiqué sur la même zone. Cela a été le cas du dispositif Scellier en 2010 (l’écart allant de 5 % à 50 % selon les communes) ; ou encore du dispositif Pinel, où les loyers sont supérieurs de 20 % au marché en zone B2 (villes de plus de 50 000 habitants). A compter de 2018, les zones B2 et C ne sont d’ailleurs plus éligibles à ce mécanisme fiscal.