« Qualité de l’emploi et productivité », de Philippe Askenazy et Christine Erhel, éditions de la Rue d’Ulm
Depuis la violente crise de 2008, la croissance de la productivité du travail a nettement ralenti en France ainsi que dans les autres pays développés. Ce tassement a des conséquences économiques fortes, puisque cela implique une moindre croissance économique et un brutal ralentissement de la hausse du pouvoir d’achat.
Cependant, les raisons de cette évolution font l’objet de débats intenses entre économistes. Pour les uns, les outils de mesure statistiques seraient inadaptés et ne parviendraient pas à prendre pleinement en compte les gains de productivité liés aux investissements intangibles (le big data par exemple). Pour les autres, nous serions entrés dans une ère de « stagnation séculaire » associée à une faible hausse de la productivité, indépendamment du problème de sa mesure.
Ce petit ouvrage explore une autre piste : les ajustements de l’emploi seraient responsables de la productivité en berne. Plus précisément, la dégradation de la qualité de l’emploi, par un recours massifs aux contrats précaires, diminue la motivation des salariés et limite l’incitation des entreprises à investir dans la formation de la main d’œuvre.
En conséquence de quoi, les politiques visant à flexibiliser davantage le marché du travail pour réduire le chômage génèreraient, au bout du compte, une stagnation de la productivité du travail.
« La gauche, la droite et le marché », de David Spector, éditions Odile Jacob
Politiquement, les libéraux sont catalogués à droite, et les anti-libéraux à gauche, tout particulièrement en France, où le libéralisme est vu avec plus de suspicion que dans la plupart des autres pays développés, surtout les pays anglo-saxons.
Dans son livre « La gauche, la droite et le marché », David Spector, chercheur au CNRS et professeur associé à l’Ecole d’économie de Paris, remet en cause cette association fréquente du libéralisme à la droite de l’échiquier politique. Pour ce faire, il remonte l’histoire économique sur plus de deux siècles, et compare la situation française aux autres pays, notamment au Royaume-Uni.
Sa conclusion est que le libéralisme peut être tout autant de gauche que de droite. De la même façon, l’opposition au marché et à la concurrence est régulièrement le fait des mouvements patronaux qui s’opposent à une concurrence qui risquerait de rogner leurs profits.
Par exemple, au XIXème siècle en Angleterre, les penseurs libéraux comme David Ricardo défendent l’ouverture des marchés agricoles à la concurrence étrangère. Une telle ouverture commerciale était pensée pour défendre les plus pauvres donc « de gauche ». En effet, comme les terres étaient majoritairement détenues par une petite minorité très aisée de la population, les prix agricoles élevés favorisaient les plus riches propriétaires. L’ouverture à la concurrence internationale, en faisant baisser les prix, était donc favorable aux plus pauvres, dont les dépenses alimentaires représentent une large proportion de leur revenu.
Plus proches de nous, la volonté d’Emmanuel Macron (à l’époque ministre de l’économie et des finances) d’augmenter la concurrence chez les notaires avait pour objectif de diminuer les recettes d’une population aisée (les notaires) au profit du reste de la population. Cependant, cette mesure a été combattue par la gauche, pour des raisons plus idéologiques que pragmatiques.
A partir de nombreux autres exemples et d’une analyse détaillée de la pensée économique, l’auteur cherche à montrer que le positionnement politique du libéralisme est moins tranché que l’on ne pourrait le croire.
« Le capitalisme et ses rythmes, tome 1 : sous le regard des géants », Pierre Dockès, éditions Classiques Garnier
Pierre Dockès, professeur à l’université Lyon 2 et historien de la pensée économique reconnu, retrace le capitalisme, ses théories et ses crises depuis quatre siècle dans une série de livre extrêmement précis et documentée intitulée « Le capitalisme et ses rythmes, quatre siècles en perspectives ».
Le Tome 1, « Sous le regard des géants », sorti en 2017, a été primé par l’AFSE. Il s’agit d’un véritable pavé de 830 pages (sans la bibliographie) retraçant les soubresauts de l’économie mondiale et de la pensée économique du XVIIème siècle à la seconde guerre mondiale.
Les 150 premières pages abordent des thèmes spécifiques tels que le caractère endogène ou l’exogène des chocs, les crises financières ou l’évolution du rôle de l’Etat. Puis, l’auteur retrace de façon chronologique les évolutions économiques qui ont façonnées le capitalisme, en prenant pour point de départ la bulle spéculative sur les bulbes de tulipe en Hollande en 1636-1637.
Il serait difficile de résumer cet ouvrage en quelques phrases tant chaque évènement est détaillé et parfois décortiqué dans des encadrés mettant l’accent sur un évènement ou une théorie précise. Nul doute en tous cas que les férus d’histoire économique y trouveront leur bonheur.