Alors que les spécialistes tablaient sur trois hausses seulement cette année, la Fed semble mener une politique monétaire restrictive pour mettre fin à la hausse de l’inflation, qui a atteint son niveau cible.
Taux directeurs et inflation
A travers ses taux directeurs, les taux auxquels la Fed prête aux banques commerciales, la banque centrale américaine peut influer sur l’activité économique. En effet, les banques commerciales vont prêter aux particuliers en calquant leurs taux d’intérêt sur ceux de la Fed (puisqu’elles se refinancent auprès d’elle). Si la Fed augmente ses taux directeurs, les taux d’intérêt dans l’économie vont aussi croître et la demande de crédits va diminuer (il est plus cher d’emprunter). En outre, si les crédits sont moins nombreux, les agents économiques pourront poursuivre moins de projets et l’activité économique va ralentir.
Le nouveau dirigeant de la Fed, Jérôme Powell (qui a remplacé Janet Yellen), semble donc adopter une politique monétaire restrictive, en remontant les taux pour stabiliser l’inflation – un des indicateurs que la banque centrale américaine surveille en priorité -, ralentissant la croissance économique. L’inflation a en effet augmenté en 2018 pour atteindre 2% (l’objectif officiel de la Fed). Il s’agit d’une normalisation de la politique monétaire de la Fed, qui met fin à la politique accommodante des taux bas qui a été mise en place après la crise de 2008.
Une remontée systématique des taux qui interroge
Les marchés craignent néanmoins que le ralentissement orchestré par la Fed ne soit peut-être trop brutal et puisse déboucher sur une récession. Indice de cela, la courbe des taux (qui compare le rendement des bons du Trésor à échéance de 2 et 10 ans) s’aplatit progressivement, ce qui indique que les agents économiques anticipent une baisse de l’inflation. Le spread (écart entre les deux taux) est tombé à 41 points de base, soit son plus bas niveau depuis 2007. Une inversion de cette courbe, si elle venait à se produire, (les taux à long terme devenant inférieurs aux taux à court terme) serait une indication forte qu’une récession va suivre.
La Fed fait-elle cavalier seul ?
La BCE met fin au Quantitative Easing
La Fed continue ainsi de creuser l’écart avec la Banque centrale européenne (BCE), qui persiste dans une politique monétaire accommodante en maintenant ses taux au même niveau. La croissance dans l’Union européenne est en effet beaucoup plus modérée qu’aux Etats-Unis (les prévisions de la BCE pour 2018 sont de 2,1 %, alors que la Fed anticipe une croissance de 2,8 %), où on s’attend à ce que le chômage extrêmement bas (3,8 % alors qu’il est encore de 9,6 % en Union européenne) exerce une pression inflationniste. Néanmoins, la BCE a annoncé le 14 juin 2018 qu’elle mettrait fin en décembre 2018 au Quantitative Easing en place depuis des années, après une réduction progressive, de 30 milliards aujourd’hui à 15 milliards entre octobre et décembre. Depuis le lancement de ce programme de rachat massif d’actifs, la BCE a accumulé pour plus de 2,4 trillions d’euros d’actifs. Dans le même temps, Mario Draghi, président de la BCE, a promis que ses taux d’intérêt n’évolueraient pas avant au moins l’été 2019 (le taux de dépôt de la BCE restera négatif à – 0,40 %). La BCE engage donc elle-aussi une forme de normalisation, mais avec un temps de retard sur la Fed.
Pas de normalisation en vue pour la Banque du Japon
La politique de la Banque du Japon détonne par rapport à celles de la Fed et de la BCE. Le 15 juin, face à la faiblesse persistante de l’inflation, qui se situe entre 0,5 % et 1 % (loin de son objectif de 2 %), la BoJ a décidé de maintenir en l’état son gigantesque programme de rachats obligataires, qui s’élève à 80 000 milliards de yens par an (600 milliards d’euros). Au Japon, la croissance reste en effet atone, la consommation des ménages poussive et les investissements des entreprises faibles. Malgré une politique de Quantitative Easing ancienne et massive, les liquidités injectées par la BoJ dorment au bilan des banques japonaises sans se concrétiser en prêts.
Alors que la Fed et la BCE se dirigent vers une normalisation de leur politique monétaire, la BoJ est la seule des trois grandes banques centrales à prolonger une politique résolument accommodante.
Ce retour à la normale de la politique monétaire de la FED n’est pas nécessairement du goût de tout le monde.
Les économies émergentes subissent la hausse des taux directeurs américains
Les économies émergentes se plaignent également des hausses rapides menées par la Fed. Ces taux directeurs croissants renforcent le dollar, aux dépens des monnaies de pays en voie de développement.
Si les taux directeurs de la banque centrale américaine augmentent, les placements en dollars deviennent plus rentables et les agents économiques vont donc préférer placer leur argent en dollars. La demande de dollars augmente et celle d’autres monnaies diminue. En conséquence, les monnaies des pays émergents se déprécient.
Les dirigeants des banques centrales de l’Indonésie et de l’Inde ont regrettés que la Fed n’ait pas considéré l’impact que sa politique monétaire aurait sur le reste du monde, en particulier émergent. Face à un dollar fort, le cours de leurs monnaies nationales chute, mettant en difficulté leurs économies.