Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises est sans conteste très ambitieux. Après une large consultation professionnelle et publique, le texte présenté en Conseil des ministres s’appuie sur les différentes propositions.
« Ce projet de loi vise à relever un défi majeur, celui de la croissance des entreprises, à toute phase de leur développement, pour renouer avec l’esprit de conquête économique ».
Un « choc » de simplification
Les premiers articles du projet de loi ont pour objet de rendre la création d’entreprise plus aisée au titre des démarches administratives et juridiques (création d’un guichet unique, diffusion de l’information légale, suppression du stage de préparation à l’installation, assouplissement en cas de franchissement de seuil de nombre de salariés…). Des mesures sont également prévues pour faciliter le rebond des entrepreneurs.
La question des participations de l’Etat
Le projet de loi Pacte signe le « coup d’envoi » des trois privatisations prévues par l’Etat.
Un fonds d’investissement alimenté par la cession d’ADP
Cette loi doit officiellement donner naissance au fonds d’investissement voulu par le gouvernement. Ce fonds – destiné à encourager le développement de technologies innovantes – doit être alimenté à hauteur de 10 milliards d’euros par le produit de la cession de quelques-unes des participations de l’Etat. A cet effet, la loi Pacte doit autoriser l’Etat à faire passer sa part dans ADP (ex-Aéroports de Paris sous la limite légale de 50 % du capital (l’Etat possède à ce jour 50,6 % du capital d’ADP, valorisée 8 Mds €). Outre ADP, l’Etat compte céder tout ou partie de ses actions dans la Française des Jeux et Engie (dont il avait déjà cédé 4,56 % du capital En septembre 2017, récoltant 1,53 milliard d’euros).
Les aéroports – publics depuis leur construction dans l’immédiat après-guerre – paraissent être un des secteurs dont l’Etat souhaite se désengager. L’Etat s’est progressivement débarrassé de tout ou d’une grande partie de ses parts dans des aéroports régionaux : en 2015, il s’est défaussé de 50 % (sur les 60 % qu’il détenait) du capital de l’Aéroport de Toulouse, ainsi que de 60 % du capital des Aéroports de Lyon et de la part de 60 % qu’il détenait dans les Aéroports de la Côte d’Azur.
Les cessions conduites par le gouvernement doivent non seulement venir alimenter ce nouveau fonds d’investissement, mais également permettre à l’Etat de se désendetter.
L’Etat renforce ses prérogatives en matière de « golden shares »
Alors que l’Etat se désengage d’une part substantielle de ses participations, il renforce dans le même temps ses pouvoirs relatifs aux actions spécifiques, ou « golden shares ». Actuellement, dans le cas d’une cession d’actions dans des secteurs stratégiques (défense, santé, etc.), l’Etat peut se réserver des actions spécifiques qui lui arrogent un droit de véto lors des votes d’actionnaires. L’Etat conserve ainsi un contrôle sur les actifs sensibles même en cas de privatisation. L’article 54 de la loi élargit le cadre d’utilisation des actions spécifiques. Aujourd’hui, celles-ci ne sont créées qu’en cas de diminution de la participation de l’Etat lors d’une cession d’actions d’une entreprise où celui-ci était majoritaire. L’article 54 permettrait à l’Etat de créer des golden shares à n’importe quel moment, si les intérêts spécifiques de la nation le demandaient, et non plus seulement lorsqu’un seuil de détention est franchi dans une entreprise où l’Etat avait une participation substantielle. Désormais, l’Etat veut pouvoir créer des actions spécifiques même dans les entreprises où il est minoritaire.
Un coup de pouce pour le secteur financier
L’article 22 vise à simplifier l’accès des entreprises aux marchés financiers. D’abord, en élevant le seuil à partir duquel il est nécessaire d’établir un prospectus avant une offre de titres. En effet, le règlement européen laisse les Etats membres libres de fixer un seuil d’exemption entre 1 et 8 millions d’euros (en-dessous duquel il n’est pas obligatoire d’établir un prospectus). Le gouvernement souhaite donc qu’il soit fixé à 8 millions d’euros, soit le maximum possible. Pour les offres d’un montant inférieur, il sera seulement nécessaire d’établir un document d’information minimal, dont le contenu sera défini par l’AMF.
La deuxième grande mesure consiste en un abaissement du seuil de retrait obligatoire lors d’une offre publique d’acquisition (OPA). Les dispositions de « retrait obligatoire » (ou squeeze out en anglais) obligent en cas d’OPA les actionnaires minoritaires à vendre leurs actions si l’actionnaire majoritaire veut céder l’entreprise à un repreneur. Pour cela, l’actionnaire majoritaire doit détenir au moins 95 % des actions de l’entreprise. Comme dans le cas du seuil d’exemption de prospectus, le règlement européen avait laissé les Etats-membres libres de fixer un seuil de retrait obligatoire entre 90 % et 95 %. Le gouvernement souhaite ramener ce seuil au minimum, soit 90 %.
Les crypto-actifs sous surveillance de l’AMF
L’article 26 aborde le sujet des crypto-actifs et plus particulièrement des « jetons » (ou « tokens » en anglais) ainsi que la réglementation relative aux ICOs (Initial Coin Offerings) réalisées sur le territoire français.
Après une période de doute juridico-fiscal de plusieurs années sur ce sujet, la loi Pacte permettra enfin à l’Autorité des marchés financiers d’autoriser, ou non, une ICO en délivrant un visa spécifique, auquel les entreprises souhaitant utiliser cette méthode de levée de fonds devront répondre.
Cette mesure est en phase avec l’explosion des levées de fonds via les ICO en 2017 ainsi que depuis le début de l’année 2018. On constate cependant de nombreuses fraudes ayant fait perdre des millions d’euros aux investisseurs particuliers français. L’AMF souhaitant protéger l’épargnant, se réservera le droit de délivrer ou non ce visa, après examen d’un dossier, garantissant ainsi le sérieux et la crédibilité du projet. En outre, l’AMF analysera le « white paper » de l’entreprise, c’est-à-dire les documents élaborés en amont de son offre, et pourra demander une immatriculation en France ou un statut de personne morale, un mécanisme de séquestre des fonds levés pourra également être mis en place.
Le gendarme boursier établira ainsi une « liste blanche » des entreprises répondant aux critères demandés, cette liste sera communiquée au grand public et sera un gage important de « respectabilité ».