Qu’est-ce que le déficit et la dette publique ?
Il faut souligner l’importance de ces deux indicateurs pour le suivi de la politique des finances publiques en Europe, car ils sont le fondement de la supervision des pays de la zone euro. En effet, s’il y a une monnaie unique, c’est parce qu’il y a des garanties de bonnes finances publiques, c’est pourquoi il faut souligner l’importance de ces deux indicateurs.
Il ne faut pas confondre déficit et dette. Le déficit est une situation où l’on dépense plus que l’on a de revenus ; c’est vrai pour les ménages et c’est vrai également pour l’Etat. La dette quant à elle est le cumul des déficits passés. Il est important de limiter le déficit car on ne peut pas vivre au-dessus de ses moyens, et d’éviter que la dette ne devienne trop importante car les marchés financiers, qui sont les créanciers de l’Etat, prennent peur, comme cela est arrivé en Grèce.
Ces deux indicateurs dits « de Maastricht » sont bien calculés, notamment en France par l’INSEE. Mais, comme il est dit dans le dernier chapitre de mon livre, écrit par François Ecalle, qui a un site que je recommande qui s’appelle Fipeco, il est intéressant de se pencher sur la notion de déficit structurel et d’effort structurel. En effet, ces indicateurs sont moins sensibles à la conjoncture et éliminent la volatilité du déficit effectif dont on parle souvent (on commente notamment beaucoup le fait que la France soit passée en dessous de 3 % du PIB de déficit).
Quelle est la situation des finances publiques en France ?
En comparant la France et l’Allemagne, on constate que les dettes publiques (en % du PIB) étaient égales jusqu’en 2010. A partir de là, la dette publique française a continué à augmenter, alors qu’elle a baissé en Allemagne et se situe aujourd’hui environ 30 points de PIB en dessous de la dette publique française.
Le niveau de la dette publique française, proche de 100 % du PIB, pose un problème structurel. Pour l’instant, les créanciers ont confiance, mais s’il y avait une nouvelle crise économique, la France serait dans une mauvaise situation, nettement moins bonne que l’Allemagne.
Il faut vraiment se préoccuper de l’état des finances publiques françaises. On a eu une bonne nouvelle, c’est que le déficit public est passé en dessous de 3 % du PIB en 2017 (2,6 % exactement). Mais la situation n’est pas si bonne qu’elle en a l’air, car le déficit structurel ne s’est réduit que de 0,4 point (moins que ce que demandent les traités européens). De plus, la bonne nouvelle de l’année 2017 est due à des revenus exceptionnels, c’est-à-dire que les impôts ont exceptionnellement rendu. Mais ce n’est pas dû à une nouvelle politique économique, et les dépenses ont continué à augmenter.
L’effort structurel, qui est certainement l’indicateur le plus pertinent pour le suivi des finances publiques, a continué à se dégrader en 2017.
L’exemple de la dette de la SNCF
On parle beaucoup de la dette de la SNCF, plus exactement de la dette de la partie réseau qui avant s’appelait RFF (Réseau Ferré de France). C’est une longue histoire dans le calcul de la dette française. Il faut remonter dans le début des années 2 000, j’étais alors le chef de la comptabilité nationale à l’INSEE et à ce moment-là on a commencé à appliquer la directive européenne qui consiste à séparer le transport (la SNCF) des rails (à l’époque Réseau Ferré de France). Le gouvernement à l’époque a mis toute la dette du TGV dans RFF.
S’est posée la question à nous, comptables nationaux, de savoir si l’on considérait que RFF fait complètement partie des administrations publiques, auquel cas sa dette rentrait dans celle des administrations publiques, ou est-ce que c’était une entité séparée. Elle a été classée comme entité séparée parce que les péages que la SNCF paie à RFF (aujourd’hui SNCF réseau) dépassaient 50 % des coûts de production, qui est le critère pour savoir si une entité appartient ou pas aux administrations publiques. La dette publique n’a donc pas contenu la dette de la SNCF. Mais le gouvernement annonce aujourd’hui qu’il va reprendre la dette de la SNCF, ce qui fera augmenter la dette publique.
Pour savoir si une entité est considérée comme faisant complètement partie des administrations publiques (et donc que sa dette entre dans la dette publique) il faut notamment se demander si ses ventes représentent plus ou moins de 50 % de son coût de production. Si les ventes sont supérieures à 50 % du coût de production, on considère que cette entité est marchande, et donc que sa dette ne fait pas partie de la dette publique (et inversement si les ventes sont inférieures à 50 % du coût de production). Comme les ventes de RFF, c’est-à-dire les péages que lui paie la SNCF, sont supérieures à 50 % de son coût de production, la dette de RFF était exclue de la dette publique.
Parcours de François Lequiller
- Ancien inspecteur général de l’INSEE
- Ancien directeur des statistiques de finances publiques à Eurostat
- Auteur de « Déficit et dette en temps de crise », éditions Economica
- Auteur de « Les dunes du Cotentin »