La propriété privée a été officiellement abolie à Cuba en 1959 après l’accès au pouvoir de Fidel Castro. Depuis, l’Etat encadre strictement la vie économique de l’île et limite la liberté d’entreprendre les acteurs privés. La réforme approuvée par l’Assemblée cubaine marque un tournant pour l’économie du pays.
Cuba ouvre son économie
La réforme de la Constitution menée par le gouvernement cubain est finalement logique au regard des mesures déjà prises par ses dirigeants et d’un contexte international favorable au développement de l’activité économique privée sur l’île.
L’entreprenariat privé développé sous Raúl Castro
Cette réforme s’inscrit dans la lignée des réformes menées à partir de 2010 par Raúl Castro, frère de Fidel, qui a exercé deux mandats de président entre 2008 et 2018. Raúl Castro avait autorisé les Cubains à exercer 201 métiers différents ou une activité à leur propre compte. Ces entrepreneurs individuels, appelés cuentapropistas, emploient désormais 13 % de la population active d’après les données officielles cubaines. Raul Castro a laissé la place à son successeur Miguel Diaz-Canel en avril 2018, mais demeure premier secrétaire du Comité Central du PCC (Parti Communiste Cubain). La réforme de la Constitution légalise donc des évolutions déjà en cours dans l’économie cubaine.
Le dégel des relations avec les Etats-Unis
Cette réforme de la Constitution correspond également à un contexte de relative ouverture de l’économie cubaine au reste du monde et d’essor de l’activité économique après le dégel des relations américano-cubaines en décembre 2014.
Si l’embargo économique décrété en 1962 est encore en place (les entreprises américaines doivent demander une licence au Trésor américain pour pouvoir s’installer à Cuba), plusieurs entreprises américaines se sont installées dans l’île, anticipant un développement de l’activité. Ainsi l’américain Marriott reprend la gestion de l’hôtel Inglaterra à La Havane et en ouvre un autre dans la capitale sous la marque Sheraton. United Airlines et American Airlines ont obtenu une licence pour opérer des vols commerciaux vers l’île. Avec le rétablissement de relations diplomatiques américano-cubaines, le tourisme dans l’île a décollé : en 2016, 285 000 Américains avaient visité l’île, 74 % de plus qu’en 2015. 4,7 millions de touristes se sont rendus à Cuba en 2017 d’après le ministère cubain du Tourisme, un record. Ce secteur est désormais la troisième source de revenu du pays, après les envois de fonds par les expatriés, les « remesas », et l’exportation de services (essentiellement des médecins ou infirmiers déployés en Amérique latine).
Le président américain, Donald Trump est néanmoins revenu sur les évolutions annoncées par Barack Obama. Alors que la levée de l’embargo paraissait quasiment certaine à la fin du mandat du président démocrate, Donald Trump a définitivement exclu cette perspective et a limité la possibilité des Américains de voyager à Cuba en leur interdisant de nombreuses entités touristiques (hôtels, restaurants ou boutiques) tenus par l’armée cubaine.
Une révolution économique à relativiser
La réforme de la Constitution légalise le petit entrepreneuriat privé et les Cubains à leur compte auront le droit d’employer des salariés (dans les hôtels ou la restauration par exemple), mais sans avoir le statut d’entreprise : ils ne pourront donc pas importer des marchandises de l’étranger ou en acheter en gros, contrairement aux entreprises d’Etat, et restent contraints de s’approvisionner au détail ou dans les magasins d’Etat.
Cette révolution dans la Constitution reste donc mesurée et l’Etat cubain est parfois revenu sur les avancées concédées : ainsi entre août 2017 et juillet 2018, le gouvernement a suspendu l’attribution de licences de travail pour les cuentapropistas dans les secteurs les plus importants (restauration, hôtellerie, etc.). Le projet de nouvelle Constitution prend aussi soin de réaffirmer le « caractère socialiste » d’un système où l’Etat contrôle encore étroitement l’économie : il y a 5 millions de fonctionnaires à Cuba pour 11,1 millions d’habitants.
La réforme doit encore faire l’objet d’un débat populaire puis être soumise à référendum.