« Aucune taxe ne mérite de mettre en danger l’unité de la nation ». C’est ainsi qu’Edouard Philippe a introduit la décision de suspendre pendant 6 mois la hausse de la taxe carbone qui devait être mise en œuvre le 1er janvier. Cette suspension doit permettre d’ouvrir une période de dialogue et de concertation à l’issue de laquelle des décisions définitives seront prises.
Le Premier ministre annonce une vague de gel pour janvier
Après les mesures destinées à soutenir le pouvoir d’achat des plus modestes qui n’avaient pas convaincu les Gilets jaunes, la hausse de la taxe carbone de 2,9 centimes/litre d’essence et de 6,5 centimes/litre de diesel est suspendue pour 6 mois. Dans le même mouvement, la convergence entre les prix de l’essence et du diesel est aussi reportée. Le fioul de chauffage est aussi concerné.
Enfin, l’alourdissement de la fiscalité du gazole pour les entrepreneurs non routiers, qui bénéficiaient jusqu’à présent d’un tarif réduit de TICPE au même titre que les sociétés de transports, sera aussi suspendu. Ce gazole non routier qui concerne en particulier les sociétés du bâtiment et les agriculteurs devait connaitre une augmentation avoisinant les 50 centimes/litre.
Autre mesure ayant pour objectif de désamorcer toute grogne supplémentaire, le gel des tarifs de l’électricité et du gaz d’ici le mois de mai. En effet, avec la hausse du prix du pétrole qui rentre dans le calcul de ces tarifs, une hausse était inéluctable cet hiver.
Enfin, le gouvernement a aussi suspendu le durcissement du contrôle technique. L’augmentation du nombre de points de contrôle technique devait se traduire par une hausse des tarifs mais surtout un nombre de contre-visites plus important pour se mettre en règle. Conséquence, des montants de réparation plus élevés pour obtenir le droit de continuer à circuler.
Des mesures suffisantes pour refroidir la colère jaune ?
C’est évidement la question qui est sur toutes les lèvres : le gouvernement arrivera-t-il à éteindre l’incendie qui se propage de plus en plus à d’autres secteurs (lycéens, etc…).
En tout cas, il s’agit de permettre la mise en place des conditions nécessaires à une concertation. Edouard Philippe a ainsi annoncé l’ouverture d’un débat national qui devra se tenir entre le 15 décembre et le 1er mars. Ce débat devra porter sur l’ensemble de notre système fiscal. Mais le gouvernement a prévenu que toute baisse d’impôt sera conditionnée à des baisses de dépenses publiques.
Et c’est bien cette question fiscale qui est au cœur du débat. En particulier l’incompréhension entre, d’une part le remplacement de l’Impôt sur la Fortune (ISF) par l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) et l’instauration d’une « flat tax » sur les revenus du capital, et d’un autre côté l’érosion du pouvoir d’achat pour les retraités (hausse de la CSG, indexation des pensions inférieure à l’inflation), la réduction des aides au logement (APL) et la hausse des taxes sur les carburants.
Ces hausses de la fiscalité ont bien été compensées par la baisse des charges sociales sur les salaires ou encore de celle de la taxe d’habitation, mais la perception n’est pas la même selon les différentes catégories de la population.
Une pression fiscale ressentie différemment
Ainsi, une retraitée vivant à la campagne utilisant une vieille voiture diesel – et se situant au-dessus des seuils retenus pour être épargnée de la hausse de la CSG (1 200 euros par mois) – ressentira une perte de pouvoir d’achat d’autant plus importante qu’elle n’accède qu’avec difficulté aux services publics de santé par exemple.
En revanche, un citadin rejoignant en métro son entreprise, et dont le bulletin de paie a augmenté en octobre dernier, ressentira moins la pression fiscale.
Depuis son arrivée en 2017, le gouvernement a cherché à modifier la répartition du poids de la fiscalité en favorisant les actifs et le travail, mais sans réellement réduire globalement le taux de prélèvements obligatoires pour l’ensemble du pays. Il y a donc logiquement des gagnants et des perdants.
Pour faire baisser la pression fiscale pour tous il faudra moins de dépenses publiques. Les pistes ne manquent pas à l’agenda de l’exécutif: réforme des retraites, renégociation de l’assurance chômage, réduction du nombre de fonctionnaires…
Mais déjà, il va falloir commencer par trouver les 2,8 milliards d’euros que devait rapporter la taxe carbone, et il est peu probable que la commission européenne, en pleine négociation sur le budget italien, apprécie que la France s’approche à nouveau d’un déficit budgétaire flirtant avec les totémiques 3 % du PIB.