Pourquoi Donald Trump critique-t-il la banque centrale ?
La banque centrale est l’institution chargée de gérer la politique monétaire, c’est-à-dire de faire évoluer les taux d’intérêt et le montant de monnaie injecté dans l’économie (plus d’explications sur la politique monétaire de la Banque Centrale).
Aux Etats-Unis, la banque centrale s’appelle la Réserve Fédérale (ou Fed). Elle est dirigée par Jerome Powell depuis presque un an.
Etant donné la bonne santé de l’économie américaine (faible chômage et croissance robuste), la Fed a décidé de relever progressivement les taux d’intérêt de façon à éviter une surchauffe de l’économie et un décollage de l’inflation. En effet, cette politique freine délibérément la croissance économique en renchérissant le coût du crédit. Ainsi, les ménages et les entreprises empruntent moins, ce qui bride l’investissement et la consommation. Ce refroidissement de l’économie à court terme peut cependant se révéler salutaire car il permet de prévenir une spirale des prix à la hausse ou un excès d’endettement qui peut générer des bulles et de violentes crises (comme en 2008 lors de la crise des subprimes).
Comme cela était attendu, la Fed a relevé fin décembre les taux d’intérêt d’un quart de point pour les porter dans une fourchette comprise entre 2,25 % et 2,50 %.
Ce mouvement, qui risque de freiner l’économie à court terme, a provoqué la fureur de Donald Trump qui espère obtenir de bons résultats sur le front de l’emploi et de la croissance pour soutenir sa cote de popularité. Dans une série de tweets virulents, Donald Trump a notamment déclaré que la Fed est « le seul problème que notre économie a ». Il a même émis l’hypothèse d’un renvoi de Jérôme Powell, une attaque rare envers l’indépendance des banques centrales.
Pourquoi les banques centrales sont-elles indépendantes ?
Les banques centrales sont des institutions originales (plus d’explications sur le Federal Reserve System) dont les statuts diffèrent selon les pays. En effet, elles assurent un service public (la gestion de la monnaie) mais ne sont généralement pas directement sous la coupe du pouvoir politique comme un ministère.
Historiquement, l’émission de la monnaie était une des prérogatives du pouvoir politique. Mais bien souvent les gouvernements ont utilisé la création monétaire pour stimuler l’économie à court terme, ce qui s’est fréquemment traduit par des poussées inflationnistes. L’émancipation des banques centrales ne s’est pas faite au même rythme selon les pays, mais ce sont les années 1970, marquées par une forte inflation, qui ont vu de nombreuses banques centrales gagner en autonomie.
Aujourd’hui, l’indépendance des banques centrales est la norme. Mais la pertinence de cette indépendance ne fait pas l’unanimité. Du point de vue économique, elle est dénoncée comme porteuse d’une idéologie monétariste (ou libérale). Du point de vue politique, elle remettrait en cause la légitimité démocratique de l’institution qui est vue comme technocratique.
Néanmoins, les banques centrales gardent un lien étroit avec les dirigeants élus. Par exemple, aux Etats-Unis, le président de la Ped est choisi par le président des Etats-Unis et approuvé par le Sénat.
Que peut faire Donald Trump et avec quelles conséquences ?
Légalement, Donald Trump ne peut pas dicter la politique monétaire que la Fed doit conduire au jour le jour. Le principal pouvoir du président est de ne pas reconduire le président de la Fed au bout de son mandat de quatre ans si son action ne lui convient pas. La question, soulevée par Donald Trump, de savoir s’il lui est possible de révoquer le président de la Fed en cours de mandat fait débat parmi les experts. Une telle révocation serait une première et la loi semble floue sur le sujet.
Les attaques de Donald Trump ne sont cependant pas sans conséquences. En effet, elles pourraient indiquer une perte progressive d’indépendance de la Fed et une politique monétaire plus accommodante (c’est-à-dire des taux d’intérêt plus bas) et davantage guidée par des intérêts politiques que par la stabilité monétaire. A terme, cela pourrait se traduire par une inflation plus forte ou la création de bulles spéculatives alimentées par l’excès de crédit.
A plus long terme, si la liberté d’action de la Fed se trouvait sérieusement contrainte, il pourrait y avoir une défiance généralisée envers le dollar. Cela se traduirait par une forte instabilité financière et un plongeon de la valeur du dollar. Cela conduirait à une brutale contraction de la consommation aux Etats-Unis qui plongerait l’économie américaine (voire le monde) dans la récession. En effet, les Etats-Unis importent massivement pour satisfaire leur consommation, et une chute du dollar entraînerait un renchérissement mécanique des importations.
Ce scénario extrême est peu probable, mais pas totalement exclu si Donald Trump parvenait à imposer ses vues en matière monétaire et à saper l’indépendance de la Fed.