Qu’est-ce que la justice fiscale ?
La notion de justice fiscale n’est pas aisée à définir. Bien souvent, on associe justice fiscale et progressivité de l’impôt, c’est-à-dire que les plus aisés sont taxés plus lourdement et ainsi participent au financement des services publics à destination des plus modestes.
Ainsi, les impôts proportionnels (comme la TVA dont le taux est identique pour tous les Français) sont perçus comme plus injustes que les impôts progressifs (comme l’impôt sur le revenu dont le taux croît avec le revenu).
Cette vision ne fait cependant pas l’unanimité. En effet, les partisans d’une approche libérale de l’économie considèrent que les impôts progressifs sont injustes car ils pénalisent ceux qui s’enrichissent par leur travail et les risques pris, au bénéfice de personnes moins méritantes qui profitent des aides sociales.
Selon un sondage d’Harris Interactive réalisé à la demande de l’Institut fiscal Vauban , quand on donne aux Français une référence de niveau d’imposition d’un célibataire qui gagne 2 000 € par mois (1 600€ d’impôt sur le revenu) et qu’on leur demande ce que devrait payer un célibataire gagnant 3 fois plus, seuls 11 % citent la réponse correspondant au barème actuel (8 fois plus), et 84 % estiment qu’il devrait payer proportionnellement la même chose voire moins. Même résultat pour un célibataire gagnant 10 fois plus. Selon l’institut de sondage, « le simple fait de raisonner en montants absolus génère des réponses qui peuvent paraître surprenantes, et ce dans toutes les catégories de population ».
La question de l’évasion fiscale
La question de l’évasion fiscale que pratiquent de grandes entreprises et de riches particuliers en utilisant les paradis fiscaux a été mise sur le devant de la scène par différents scandales (Panama Papers, LuxLeaks…).
L’évasion fiscale n’est pas forcément interdite et c’est en toute légalité que des multinationales font apparaître leurs profits dans les pays à la fiscalité la plus faible (Irlande, Luxembourg…). Selon l’économiste Gabriel Zucman, 40 % des profits des multinationales sont déplacés dans des paradis fiscaux, ce qui représenterait une perte de recette fiscale de 20 milliards d’euros par an pour la France.
C’est pour lutter contre cette optimisation fiscale que la France a proposé une « taxe GAFA », du nom des géants du net, au niveau européen. Devant le manque d’enthousiasme de l’Allemagne, des pays nordiques et de l’Irlande, la France a créé sa propre taxe GAFA à compter du 1er janvier 2019.
Faut-il plus taxer les successions ?
La question de l’héritage touche un point particulier car, contrairement aux taxes sur les revenus du travail par exemple, l’héritier qui reçoit un patrimoine n’a pas travaillé pour l’obtenir. La justice fiscale voudrait donc que l’on taxe plus les successions.
Le groupe de réflexion Terra Nova a publié une étude en ce sens. Les auteurs de l’étude pointent le poids croissant de l’héritage dans notre économie : les flux successoraux annuels représentaient environ 12 % du revenu annuel en 2010 contre 3 % en 1950. Ainsi, le niveau de fortune des Français est de plus en plus déterminé par leur naissance et moins par leur travail ou leur mérite. C’est pourquoi Terra Nova propose d’augmenter de 25 % le rendement de la fiscalité des successions, soit une hausse de 3 milliards d’impôts).
Pourtant, selon une étude de l’IFRAP, les montants des droits de succession et de donation rapportés au PIB sont en France parmi les plus lourds en comparaison de ce qui se fait dans les autres pays européens. Avec un taux de 0,42 %, la France est loin devant la Finlande (0,26 %), l’Espagne (0,22 %), l’Allemagne (0,20 %) ou la Pologne (0,02 %). Seule la Belgique la dépasse avec un taux de 0,62 %.
Le cas particulier de l’ISF
L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) remplacé depuis 2018 par l’impôt sur la fortune immobilière, suscite de vifs débats.
Certains économistes présentent cette transformation de l’ISF comme étant socialement injuste et économiquement absurde.
Par exemple, pour Thomas Piketty, cette transformation de l’ISF en IFI entraîne un manque à gagner pour l’Etat de 3 milliards d’euros par an. Pour Thomas Piketty, les recettes de l’ISF ont été multipliées par 4 entre 1990 et 2017, soit une hausse deux fois plus rapide que le PIB nominal. La progression du nombre et des montants des patrimoines déclarés à l’ISF est, selon lui, la preuve que cet impôt n’entraîne pas une hémorragie des patrimoines hors de France.
Cet avis n’est pas partagé par l’Institut Montaigne qui, en 2007, avait calculé que l’ISF « coûtait » deux fois plus qu’il ne rapportait. D’après cet institut, l’ISF inciterait les grandes fortunes à quitter la France, et donc à transférer à l’étranger l’ensemble de leurs revenus fiscaux. Ces départs priveraient l’Etat français de recettes deux fois supérieures à ce qui était prélevé en ISF.