A l’origine de la loi alimentation : les Etats généraux de l’alimentation
Les Etats généraux de l’alimentation se sont déroulés du 20 juillet au 21 décembre 2017.
Durant 5 mois, des ateliers nationaux, consultations publiques et concertations ont permis aux acteurs concernés (monde agricole et de la pêche, industrie agroalimentaire, distribution, consommateurs, restauration collective, élus, partenaires sociaux, acteurs de l’économie sociale et solidaire, acteurs de la santé, ONG, associations caritatives et d’aide alimentaire à l’international, banques et assurances) de débattre de la création et de la répartition de la valeur dans l’agriculture, ainsi que de la qualité de l’alimentation.
Une des revendications principales des agriculteurs (notamment de la FNSEA, principal syndicat agricole) était d’obtenir de meilleurs prix de vente sur leurs produits. Ils critiquaient notamment les « maxi-promos » et les produits d’appel qui, comme le Coca-Cola ou le Nutella, sont souvent vendus sans marge par les distributeurs, c’est-à-dire au seuil de revente à perte. Or, selon les agriculteurs, les distributeurs récupèrent le manque à gagner sur les produits d’appel en comprimant au maximum la rémunération des producteurs.
C’est pourquoi une des mesures phares de la loi alimentation est de relever de 10 % le seuil de revente à perte des denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie.
Le Seuil de Revente à Perte est une référence légale dans le domaine de la distribution qui interdit de revendre un produit à un prix inférieur à son prix effectif d’achat.
Celui-ci se calcule de la façon suivante :
Prix effectif d’achat = prix d’achat – avantages financiers consentis par le vendeur + TVA et taxes spécifiques liées au produit + Prix du transport
Il y a cependant quelques exceptions particulièrement encadrées par la loi (si la date limite de consommation est proche, si le produit est obsolète, si l’entreprise change d’activité ou est en cessation de paiement, en période de soldes…).
L’idée sous-jacente à la hausse du seuil de revente à perte est de freiner la guerre des prix sur des produits phares des grandes marques, dont les prix sont faibles car ils sont facilement comparables d’un magasin à l’autre. En effet, cette guerre des prix serait financée par des marges plus élevées sur d’autres produits, notamment agricoles.
Ainsi, en forçant les distributeurs à augmenter leurs marges sur quelques produits phares, la loi vise à les pousser à baisser leurs marges sur les produits agricoles, ce qui permettrait une meilleure rémunération des agriculteurs. L’objectif final est de favoriser un rééquilibrage des marges en faveur des agriculteurs et des PME.
Cette hausse du seuil de vente à perte se fera à titre expérimental à partir du 1er février 2019 pour une durée de deux ans.
Faut-il s’attendre à une hausse des prix ?
Les prix des produits d’appel (Nutella, Coca-Cola, Ricard, Nesquik…) devraient mécaniquement augmenter de 5 à 10 % à partir du 1er février. A l’inverse, la concurrence sur les prix pourrait s’orienter vers d’autres secteurs comme les produits d’hygiène qui ne sont pas concernés par la loi alimentation.
Selon l’Autorité de la concurrence, l’effet inflationniste pourrait varier de 0,6 à 4,5 milliards d’euros sur deux ans, soit 10 à 78 euros par an et par ménage.
Au final, cette loi risque de pénaliser le consommateur au profit des agriculteurs. Mais le gain pour ces derniers n’est pas assuré, tout dépendra de l’évolution des prix payés par les distributeurs aux agriculteurs.