Dans le cadre de la discussion parlementaire du projet de loi Pacte, l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui met fin au dispositif légal de domiciliation des revenus lors de l’octroi d’un prêt immobilier. Selon le rapporteur du projet de loi Pacte, Roland Lescure, « la domiciliation bancaire doit être intégrée à la négociation commerciale et ne saurait devenir une clause récurrente et systématique ».
La domiciliation des revenus
Lors de la souscription d’un prêt immobilier, la banque demande souvent que l’emprunteur domicilie ses revenus (salaire, pension…) sur un compte bancaire ouvert dans l’établissement. Cette domiciliation a été encadrée par l’ordonnance du 1er juin 2017, entrée en vigueur le 1er janvier 2018. La banque peut imposer à l’emprunteur de domicilier ses revenus sur un compte bancaire ouvert chez elle en contrepartie d’un avantage individualisé (taux de crédit préférentiel…), sur une durée de 10 ans au plus.
Domiciliation des revenus : un frein à la mobilité bancaire ?
Le dispositif institué en janvier 2018 devait protéger les consommateurs :
- en limitant l’obligation de domiciliation des revenus sur une durée maximale de 10 ans, et non à toute la durée du prêt,
- en obligeant les banques à accorder en contrepartie un avantage individualisé clairement identifié.
Mais celui-ci a été rapidement considéré comme constituant un frein à la mobilité bancaire. Une association de défense des clients des banques (Afub – Association des usagers des banques) a intenté un recours devant le Conseil d’Etat. En décembre 2018, le Conseil d’Etat a renvoyé deux questions devant la Cour de justice de l’Union européenne qui n’a pas encore statué.
Par ailleurs, en novembre 2018 le ministre de l’Economie et des Finances a saisi Corinne Dromer, la Présidente du CCSF (Comité consultatif du secteur financier), afin d’établir un bilan d’étape de la mise en œuvre de la clause de domiciliation des revenus. La Présidente du CCSF a présenté ses préconisations dans un rapport de janvier 2019.
Elle propose l’abrogation de l’ordonnance encadrant la domiciliation des revenus pour diverses raisons :
- la généralisation de l’exigence de domiciliation pourrait constituer un frein à la mobilité bancaire,
- l’avantage individualisé est difficilement vérifiable : le taux du prêt, sur lequel porte l’avantage, relève de la politique des prix de l’établissement qui ne peut être rendue publique,
- le non-respect de la clause de domiciliation est devenu plus pénalisante pour l’emprunteur que sous le régime antérieur, le prêteur pouvant mettre fin à l’avantage individualisé.
A défaut de pouvoir abroger l’ordonnance de juin 2017 encadrant la domiciliation, la présidente du CCSF propose de réduire la durée de la domiciliation de 10 ans à 5 ans. Cette limitation de la durée « permettrait d’assurer plus tôt une mobilité bancaire à l’ensemble des emprunteurs ».
Domiciliation des revenus : des propositions qui ne font pas l’unanimité
Les banques ne souhaitaient pas la disparition du dispositif de domiciliation des revenus, qui permettrait de fidéliser les clients emprunteurs. A la suite de la publication du rapport de la présidente du CCSF, la Fédération bancaire française a déclaré : « Il serait (…) difficilement compréhensible de provoquer, sans raison apparente, de l’instabilité réglementaire »
Et concernant la proposition de réduction de la durée de la domiciliation, il est précisé, dans le rapport de Corinne Dromer, Présidente du CCSF, « que les représentants des établissements de crédit, favorables au maintien de l’ordonnance, sont unanimement hostiles à une réduction de la durée de domiciliation ».
Si l’adoption de cet amendement est confirmée lors du vote définitif de la loi Pacte, la suppression de l’obligation de domiciliation entrerait en vigueur en juin 2019.