L’intolérance des Français à toute nouvelle forme d’imposition semble avoir été atteinte. Tel est le constat dressé par le Premier ministre Edouard Philippe. Cette overdose fiscale s’était déjà exprimée pendant l’épisode des « bonnets rouges ». Avec le recul, ce mouvement populaire de 2013 apparait comme une évidente prémonition de celui des « gilets jaunes ». Mais si à l’époque la suppression de l’écotaxe avait suffi à calmer la colère, ce sont des mesures d’une autre ampleur qui sont aujourd’hui réclamées.
Réduire les dépenses publiques pour baisser les impôts
La ligne du gouvernement est claire : la baisse des impôts ne pourra passer que par une baisse de la dépense publique. Comment y arriver quand le maintien d’une présence de l’Etat dans les zones rurales, qui se sentent sacrifiées sur l’autel de l’austérité budgétaire et des rationalisations des services publics, est l’autre demande forte du grand débat ?
Les ballons d’essais et autres fuites dans les médias se multiplient donnant parfois l’impression d’une cacophonie gouvernementale. Passage en revue de quelques-unes de ces pistes.
Baisser les coûts de fonctionnement
Nombre de gouvernements l’ont revendiquée et s’y sont cassés les dents. La marotte d’une meilleure efficacité est à chaque fois avancée mais sa mise en place semble souvent se heurter à une administration tentaculaire. La numérisation des services publics demande du temps et pose la question de l’avenir des fonctionnaires qui réalisaient auparavant ces taches.
Le projet de loi de transformation de la fonction publique, porté par Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, semble dans ce contexte tomber à point nommé. Ce texte, qui a pour objectif de réduire de 120 000 le nombre de fonctionnaires d’ici 2022, prévoit une petite révolution. Il préconise le recours accru à des contractuels privés et milite pour le passage d’agents de la fonction publique vers le secteur privé en les assortissant de garanties. Des ruptures conventionnelles comme dans le privé deviendraient aussi possibles.
C’est l’occasion pour le gouvernement de s’appuyer sur le grand débat pour pousser une réforme qui a pour le moment rassemblé l’unanimité des syndicats contre elle.
Réduire les niches fiscales
Réduire les niches fiscales ? Vaste programme ! Là aussi, plusieurs gouvernements s’y sont essayés. Mais c’est parfois des pans entiers de secteurs économiques qui en dépendent, pour ne pas parler d’addiction. Le gouvernement a déjà écarté de toucher aux emplois à domicile dont la réduction des aides fiscales sous le quinquennat de François Hollande s’était traduite immédiatement par une reprise du « travail au noir ». La suppression de l’ISF a également impacté les associations caritatives qui bénéficiaient de la défiscalisation des dons des ménages les plus aisés.
Reste évidemment, les niches fiscales soutenant le bâtiment (accessibilité à la propriété immobilière, travaux…). Déjà plafonnées au précédent quinquennat et recentrées sur les zones les plus tendues, les options de rabotage supplémentaires ne sont pas si évidents alors même que la France manque cruellement de nouvelles constructions.
Mais le bâtiment n’est pas le seul secteur. Il existe de nombreuses petites niches fiscales qui élèvent à près de 500 le nombre de systèmes dérogatoires. Cela va des avantages fiscaux de l’assurance-vie à la TVA de 10 % dans la restauration en passant par l’investissement dans la création cinématographique.
Selon le dernier rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales (2011), l’efficacité de ces systèmes dérogatoire est loin d’être systématique ! Sur les quelque 340 niches évaluées (sur un total à l’époque de 470), 125 sont considérées comme totalement inefficaces et 99 comme « peu efficientes ». Au total, donc, 66 % des mesures étudiées coûtent quelque 40 milliards d’euros pour pas grand-chose !
Pourtant cette piste des niches fiscales devrait être poussée plus en avant par le gouvernement, au moins symboliquement. En effet, il permettrait d’améliorer la progressivité de l’impôt sur le revenu, ce qui est l’une des revendications de justice fiscale des « gilets jaunes ».
Si aujourd’hui la progressivité de l’impôt sur le revenu est en théorie significative en France, avec des taux d’imposition de plus en plus élevés au fur et à mesure que les revenus progressent, les niches fiscales permettent dans la réalité aux plus aisés d’en atténuer l’impact.
Allongement de la vie active
Les interventions récentes sur ce sujet de Gérard Darmanin, ministre du Budget, et Agnès Buzyn, ministre de la Santé, laissent penser que cette piste est prise au sérieux. Alors que le haut-commissaire, Jean-Paul Delevoye, négocie la refonte du système de retraite avec les syndicats pour une conclusion en juin, le timing semble là aussi tomber à pic. L’allongement de la durée de cotisation pour obtenir des droits pleins pour la retraite pourrait permettre une baisse des impôts sans alourdir la dette publique qui culmine à près de 100 % du PIB.
Autre piste : la réforme de l’assurance chômage. Après l’échec des négociations cet hiver entre les partenaires sociaux, l’Etat doit aussi d’ici l’été prendre des décisions pour réduire le déficit et la dette de ce système d’indemnisations. Nul doute que l’Etat pourra trouver des marges de manœuvre de ce côté-là aussi.
Verdict rapidement en tout cas, puisqu’Emmanuel Macron doit s’exprimer dans les prochains jours. Et si le flou est encore entretenu sur les mesures qui seront annoncées pour ménager l’effet d’annonce, une chose est au moins certaine : on ne rasera pas gratis !