Le 4 novembre 2018, les Etats-Unis avaient prié les pays importateurs de pétrole iranien (et notamment leurs entreprises) de changer de fournisseur, faute de quoi leurs relations commerciales avec la puissance hégémonique prendraient fin. Relativement flexibles à l’époque, ils avaient tout de même accordé à huit des plus gros importateurs (Chine, Corée du Sud, Grèce, Inde, Italie, Japon, Taïwan, Turquie) des dérogations temporaires afin qu’ils mettent un terme à leurs achats progressivement.
Toutefois, six mois plus tard, le gouvernement de Donald Trump est bien moins permissif puisque la Maison-Blanche tend à « ramener les exportations iraniennes à zéro ». Et alors que certains pays (Italie, Grèce et Taïwan) auraient obéi aux ordres, selon le ministère américain des Affaires étrangères, d’autres, tels que la Chine, l’Inde et la Turquie, comptaient sur un renouvellement de leurs dérogations pour perpétuer leurs achats. La Chine notamment s’oppose clairement à la décision de Washington, considérant que ses transactions avec l’Iran sont légales et que les Etats-Unis ne devraient pas avoir leur mot à dire sur sa coopération avec l’Iran. Mais pourquoi les Etats-Unis s’autorisent-ils à sanctionner des pays et à dire à d’autres ce qu’ils ont le droit de faire ou pas ?
Principe d’extraterritorialité
Il se trouve qu’il est inscrit dans le droit étasunien que le pays peut poursuivre des entreprises qui ne sont pas américaines pour des faits qui ne sont pas commis sur le sol américain. Une seule condition est requise : lesdites entreprises doivent, de près ou de loin, être liées aux Etats-Unis. Or la suprématie financière des Etats-Unis leur permet, théoriquement, de faire la pluie et le beau temps sur la plupart des firmes internationales.
Les Etats-Unis sont la première puissance mondiale, ils disposent des deux plus grands marchés boursiers mondiaux (le New York Stock Exchange – NYSE – et le NASDAQ) sur leur territoire, et leur monnaie est maîtresse dans les transactions internationales. La moitié du commerce mondial se fait en dollar, 87 % des changements en devise impliquent le dollar, et 75 % des billets de 100 dollars en circulation sont en dehors des Etats-Unis.
Mais sanctionner des entreprises étrangères parce qu’elles achètent du pétrole à l’Iran est-il légal ? Oui, selon leur législation. Beaucoup moins au niveau du droit international pour lequel les mesures prises par les Etats-Unis sont d’ailleurs contestées. Toutefois, difficile d’attaquer la puissance qui promet de cesser ses échanges avec ceux qui lui désobéiront…
Conséquences économiques
Bien que les sanctions affectent les pays qui négocient avec l’Iran, c’est bien ce dernier qui les subit le plus, étant très dépendant de ses recettes pétrolières. En récession depuis 2018 avec un PIB qui diminue de 3,9 %, le FMI estime que la situation empirera en 2019 (- 6,0 %), notamment avec l’élévation des sanctions américaines. Mais les sanctions n’ont pas seulement affecté la création de richesses : elles ont également entrainé indirectement une perte de la valeur de sa monnaie, le rial, de 80 %, ce qui a augmenté le prix de ses importations et donc son inflation qui frôle les 30 %.
Et comme si cette exclusion du commerce mondial ne suffisait pas au malheur de l’Iran, le pays est, depuis plus d’un mois, confronté à des inondations qui ont déjà fait 78 morts et dont le coût des dégâts est estimé à près de 2 milliards d’euros.
Du côté du marché, si le prix du baril de pétrole avait augmenté à la suite des paroles de Donald Trump, le 22 avril, une semaine après, il a retrouvé le niveau qu’il avait avant l’annonce. L’augmentation du prix du baril n’était d’ailleurs pas le but puisque, selon la Maison-Blanche : « Les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et les Emirats, trois des plus grands producteurs de pétrole au monde, ainsi que nos amis et alliés, sont engagés à assurer que l’offre de pétrole mondiale reste adaptée. »