L’Observatoire analyse quatre sortes d’inégalités distinctes. Pourtant, ces dernières se recoupent : faibles revenus, peu ou pas de diplôme(s), situations précaires sur le marché du travail et dans la vie. Ce sont généralement des inégalités qui touchent les mêmes types d’individus : classes populaires, mères de familles monoparentales, immigrés… Pire encore est la combinaison de ces caractéristiques – appelée intersectionnalité en sociologie –, lorsqu’un immigré n’a pas de diplôme par exemple.
Concept créé en 1989 par Kimberlé Crenshaw, l’intersectionnalité fait état des diverses discriminations que peut subir un même individu. Initialement employée dans le cas des femmes afro-américaines qui souffraient d’une double discrimination de genre et de race, la notion s’est aujourd’hui étendue à la classe sociale, l’orientation sexuelle, la religion…
Inégalités de revenus
Les salaires des 10 % des Français les plus riches sont, en moyenne, 3 fois plus élevés que ceux des 10 % les plus pauvres, après redistribution, selon les chiffres de l’Insee de 2016. Mais les salaires ne forment qu’une partie des revenus qui, eux, sont 6,7 fois plus élevés chez les 10 % les plus fortunés que chez les 10 % les moins aisés, en moyenne.
La redistribution permet de réduire les inégalités de salaires qui sont environ 7 fois plus élevés pour les 10 % les mieux rémunérés contre les 10 % les moins rémunérés, avant impôt. La redistribution comprend le prélèvement des impôts et le versement des prestations sociales.
Ce sont notamment les revenus du patrimoine (immobilier, financier…) qui sont à l’origine des inégalités de revenus : le 1 % de la population française la plus riche possède 17 % du patrimoine de l’ensemble des ménages et à lui seul, le premier décile en a presque la moitié (2015). Les inégalités de patrimoines – et les revenus qu’ils engendrent – proviennent essentiellement des héritages, entraînant une « reproduction des inégalités de génération en génération ».
L’Observatoire des inégalités souligne une augmentation de la pauvreté sur la décennie 2006-2016 (de 7,3 % à 8 %) tandis que la transformation de l’impôt sur la fortune et la baisse de l’imposition des revenus financiers favorisent les plus aisés : « les riches sont encore plus riches ». En contrepartie, les ménages les plus modestes ont pu voir augmenter la prime d’activité, le minimum vieillesse et l’allocation adulte handicapé.
Inégalités d’éducation
Les inégalités scolaires se retrouvent et s’accentuent de l’école primaire à l’enseignement supérieur, tant dans les évaluations que dans les choix d’orientation. C’est pourquoi il y a en définitive 2,9 fois plus d’enfants de cadres faisant des études supérieures que d’enfants d’ouvriers, avec un affinage encore plus poussé entre la licence et le doctorat.
Quant aux femmes, bien que les étudiantes soient plus nombreuses que leurs homologues masculins dans le supérieur, elles ne sont pas dans les filières qui mènent aux meilleures rémunérations et seulement 40,3 % des étudiants en sciences sont des filles (2015-2016).
Tant dans la mixité sociale que genrée, les inégalités paraissent stagnantes : « la situation des inégalités scolaires semble figée » malgré les réformes. Seul point positif : le décrochage scolaire des jeunes ayant au maximum le brevet est en baisse. Il est passé de 11,3 % des jeunes en 2007 à 8,9 % en 2017.
Inégalités dans le travail et dans le chômage
Les inégalités de cette catégorie fortement dépendante de l’activité économique sont en hausse car si le taux de chômage baisse (8,7 % au premier trimestre 2019), ce n’est pas le cas pour tout le monde et notamment pour les jeunes actifs (20,9 % en 2017 pour les 20-24 ans), les non-diplômés (18,3 % en 2017) et les immigrés (16,3 % en 2017 contre 8,6 % pour les individus nés en France).
Mais le chômage n’est que la partie émergée de l’iceberg : l’augmentation de la précarité de l’emploi (de 12 % à 13,6 % entre 2007 et 2017) et du nombre de salariés qui subissent des contraintes de rythme de travail (travail à la chaîne, normes de production…), renforcent les inégalités y compris pour les actifs en emploi.
La précarisation des emplois est une tendance observée depuis 2014 avec une forte augmentation des embauches en contrats courts (CDD, intérim, apprentissage) au détriment des embauches en CDI. Les contrats précaires, tout comme le chômage, constituent le « mal-emploi », c’est-à-dire les individus actifs ou inactifs qui souhaiteraient travailler (davantage). En 2016, c’est le cas d’un individu sur quatre.
Les signaux sont donc tous au rouge et l’Observatoire n’est pas très optimiste pour la suite étant donné que les solutions ne sont pas au rendez-vous à savoir, une reprise économique forte et une coordination européenne des politiques économiques.
Inégalités de modes de vie
Le mode de vie est en quelque sorte le miroir des inégalités précédentes. Il prend en compte plusieurs facteurs : du logement aux pratiques culturelles, en passant par l’accès et les usages d’Internet et à la représentation politique.
Une inégalité de taille est l’accès à une longue vie : les 5 % les plus riches vivent environ 12,7 années de plus que les 5 % les plus pauvres. Et durant cette vie, les riches vont plus au cinéma, utilisent plus fréquemment Internet pour faire leurs démarches administratives et sont plus représentés en politique et à la télévision.
Au sein des députés par exemple, il n’y a que 4,6 % d’ouvriers alors que les classes populaires représentent environ la moitié de la population. Cette sous-représentation contraste avec l’évolution à la hausse de la représentation féminine qui monte à 38,7 % des députés en 2017.
Les inégalités de modes de vie sont directement le fait des inégalités de revenus, eux-mêmes dépendants du travail plus ou moins déterminé par l’éducation. Selon l’Observatoire des inégalités, « seul un programme d’investissement public d’envergure pourrait modifier la donne » mais ce n’est pas prévu par les politiques actuellement en place.