L’enjeu des données pour la construction de villes intelligentes, la silver économie, le post-salariat, l’innovation ou encore la transition écologique : le festival organisé par Cap Digital invite à voir le monde tel qu’il sera demain et à jouer un rôle dans sa transformation. Alors à quoi ressemblera le monde du futur ?
Economie des données pour des villes durables
Durant la dernière décennie, la notion de « donnée » (data en anglais) a pris une place croissante dans le débat public. Aujourd’hui, elle est devenue une véritable matière première, selon François-Xavier Pierrel, nouveau chief data officer du groupe industriel JCDecaux. Une matière première car « elle crée de la valeur par sa combinaison » et que son utilité n’est maximale que lorsqu’elle est assignée à un certain objectif, notamment dans le développement des villes intelligentes ou smart cities.
Dans l’établissement des villes intelligentes, les données peuvent servir à réguler les flux de population, la mobilité, l’énergie, la sécurité, la gestion des déchets…
Le point de vue de JCDecaux sur la question des villes intelligentes se base sur la coopération entre le privée et le public afin d’amasser des données avec plus d’efficacité, de réfléchir en amont aux données qu’il faut collecter pour déterminer lesquelles utiliser afin d’être au service des citoyens. Elles se doivent aussi d’être inclusives (prendre en compte les banlieues, les personnes à mobilité réduite, l’écologie…).
François-Xavier Pierrel dresse une typologie des smart cities :
- La technocité : produite par les opérateurs privés, ce sont les infrastructures technologiques et donc les équipementiers qui sont aux commandes de la ville intelligente grâce à la captation et à la concentration de l’information (flux automobiles, consommation d’énergie, nombres de voyageurs en attente d’un transport…) ;
- La ville collaborative ou contributive : basée sur l’intelligence « urbaine » développée par les usagers et les acteurs de l’économie collaborative, sans hiérarchie et avec une moindre place des institutions publiques et privées. Les données sont partagées par les utilisateurs (lutte contre la pollution de l’air, contre la corruption, l’insécurité, problèmes de voiries…) et non plus par des capteurs technologiques ;
- L’e-cité : façonnée par les acteurs publics, elle propose aux citoyens d’agir et de co-gérer l’évolution de la ville, grâce à des plateformes collaborative par exemple. Dans ce genre de smart city, la technologie sert les usages de l’action publique tout en permettant aux citoyens de participer à l’amélioration de leur ville.
La silver économie, une filière d’avenir
Selon Luc Broussy, président de France Silver Eco, la silver économie « implique des acteurs économiques et sociaux qui estiment que le vieillissement de la population va avoir un impact sur les produits » dans un futur plus ou moins immédiat.
L’augmentation du nombre de personnes fragiles, qui perdent en autonomie, crée de nouveaux besoins en électricité, en mobilité, en mobilier, dans le tourisme… Luc Broussy rappelle qu’à 65 ans, les individus, bien que souvent à la retraite, ne doivent pas être négligés en tant que consommateurs étant donné qu’il leur reste encore une vingtaine d’années d’espérance de vie.
L’espérance de vie à la naissance des hommes et des femmes, en France, sont respectivement de 79,5 et 85,4 ans. Toutefois, une fois arrivés à 65 ans, les femmes peuvent espérer vieillir 23,2 années de plus et 19,4 années de plus pour les hommes, en moyenne.
L’investissement dans la filière silver économie devrait permettre plus de prévention, de sécurité et de lien social, renforcés par les nouvelles technologies, dans les résidences séniores, les EHPAD ou les services à domicile… En France, 1 personne sur 5 a plus de 65 ans, 1 sur 4 à plus de 60 ans : il y a de la demande !
Repenser le travail indépendant
En plein essor depuis plusieurs années grâce aux plateformes numériques, ce qui peut être appelé « post-salariat », ou bien « ubérisation », pose de nouvelles questions sur l’avenir du travail salarié, sur les questions de protection sociale, du contrat de travail, de subordination, et remet finalement en cause la traditionnelle dichotomie entre travail salarié et indépendant.
Le travail indépendant hier, aujourd’hui et demain
Les travailleurs indépendants représentent environ 10 % de la population active, en France. Ils exercent des professions libérales (médecins, avocats, architectes…), sont artisans, commerçants, agriculteurs, et plus récemment sont apparus les nouveaux métiers en freelance (développeurs, programmeurs…) ainsi que les travailleurs à la demande (VTC, livreurs…).
Le nombre de travailleurs indépendants a diminué durant la seconde moitié du XXe siècle, en même temps que chutait le nombre d’agriculteurs. Mais depuis 2004, les travailleurs non-salariés sont repartis à la hausse (hors secteur agricole, l’emploi indépendant a augmenté de 26 % entre 2006 et 2011).
Les travailleurs des plateformes
Les nouveaux travailleurs indépendants sont différents des anciens en ce qu’ils subissent un « lien de subordination dilué » puisqu’ils sont théoriquement indépendants bien que les plateformes soient garantes de leur charge de travail (si un VTC refusent trop de courses, il peut se voir exclu de futures courses). Il y a aussi un coût indirect du travail, notamment avec la charge du risque sur l’employé (les livreurs payés à la course respectent moins le code de la route et se mettent donc plus en danger sans pourtant être protégés contre les accidents du travail).
Ces indépendants 2.0 se retrouvent donc à un croisement des inconvénients du travail salarié et indépendant en quelque sorte puisque leur travail est contrôlé par une instance qui n’a pas le devoir de les protéger et qui ne permet pas à ce dernier de cotiser pour sa retraite. Les travailleurs de plateformes n’ont pas de représentation légale, ce qui ne leur permet pas d’instaurer un dialogue social et d’avoir des exigences auprès de leurs employeurs.
Un travailleur salarié échange sa force de travail et la subordination qui l’accompagne contre des protections (salaire fixe, accidents du travail, risque vieillesses…).
Universalité de la protection sociale
Les travailleurs indépendants d’aujourd’hui sont les victimes de ceux d’hier : dans les années 1950, les indépendants n’avaient pas souhaité bénéficier de la protection sociale, se sentant supérieurs aux travailleurs salariés associés aux « ouvriers », affirme Hind Elidrissi, co-fondatrice de Wemind et membre du Conseil national du numérique. Ce n’est plus entièrement le cas aujourd’hui puisque l’entrepreneuse note que le salariat est à présent connoté positivement et que « toutes les institutions sont conçues sur le salariat » (politiques de l’emploi, prêts bancaires, accès au logement, protection sociale…).
Quelle solution ? La protection sociale déléguée aux plateformes ? Trop dangereux. Qu’en est-il de la formule d’Emmanuel Macron « pour qu’un euro cotisé donne les mêmes droits à la retraite » ? Ce n’est pas non plus la solution puisque les cotisations des indépendants plus faibles que celles des salariés. C’est donc tout un modèle de société à revoir et à bâtir, en prenant en compte les souhaits des travailleurs indépendants du XXIe siècle à l’heure !