Les taux en baisse constante
Depuis plusieurs mois apparaît ce qui semble être une anomalie financière : des taux d’intérêt négatifs. Cela s’observe notamment sur la dette des pays réputés sûrs comme l’Allemagne et même, plus récemment, la France. Sur ses obligations à 10 ans, l’Allemagne s’endette début juillet autour de – 0,3 % et la France à environ – 0,1 %.
La maturité moyenne de la dette française est d’environ 8 ans c’est-à-dire que la dette émise par la France devra être remboursée (ou refinancée) en moyenne dans 8 ans. C’est pourquoi le taux à 10 ans est celui qui est généralement le plus observé.
Concrètement, les investisseurs paient les États pour leur prêter de l’argent, ce qui est paradoxal puisque, en théorie, c’est l’emprunteur qui paie pour emprunter des fonds. Cette situation s’explique entre autres par la faiblesse de l’inflation : comme celle-ci est très faible (1,2 % en zone euro), la Banque centrale européenne peut maintenir ses taux d’intérêt bas (actuellement à 0 %) sans craindre de voir l’inflation dépasser son objectif de 2 %.
La situation des investisseurs actuellement est semblable à celle d’un particulier qui louerait un coffre pour y déposer des bijoux : il doit payer la location du coffre mais a la garantie qu’il conservera ses objets de valeur. En prêtant aux États réputés sûrs à des taux négatifs, les investisseurs savent qu’ils perdent un peu d’argent mais ils ont l’assurance de récupérer leur mise.
En outre, la BCE cherche délibérément à pousser les taux d’intérêt à la baisse de façon à laisser aux États une plus grande marge de manœuvre financière. En effet, comme ils empruntent à des taux négatifs, leur situation budgétaire s’en trouve améliorée. Cette situation pénalise donc les épargnants qui perçoivent une rémunération toujours plus réduite, mais bénéficie grandement aux emprunteurs.
De plus, l’annonce de la nomination de Christine Lagarde à la tête de la BCE laisse anticiper des taux d’intérêt durablement bas. En effet, Christine Lagarde est perçue comme une partisane du maintien de taux d’intérêt faibles.
Ne pas confondre l’État avec un ménage
Comme l’État s’endette à des taux d’intérêt négatifs, il serait tentant de penser que celui-ci pourrait s’endetter indéfiniment et sans aucun problème pour financer des investissements ou des politiques sociales.
C’est d’ailleurs le conseil que l’on peut donner aux particuliers. Dans la limite d’un taux d’endettement raisonnable, un particulier a tout intérêt à s’endetter aujourd’hui à moins de 1 % par an. Il gardera ce taux tout au long de la durée de son prêt et parfois pendant 20 ans ou plus !
L’Etat quant à lui rembourse ses prêts en se « ré-endettant » sur les marchés à chaque échéance. S’endetter énormément aujourd’hui parce que cela ne lui coûte rien, voire lui rapporte, pourrait se révéler ruineux en cas de remontée des taux.
Contrairement à un particulier, l’État a une durée de vie illimitée (sauf catastrophe politique ou militaire). Quand un particulier emprunte auprès de sa banque, celle-ci anticipe un remboursement avant le décès de son emprunteur, c’est la raison pour laquelle les personnes âgées ont une capacité d’emprunt limitée. Mais comme l’État ne meurt pas, il peut refinancer sa dette et non la rembourser comme le ferait un particulier.
Les économistes se divisent actuellement en deux camps :
- ceux qui estiment que les taux d’intérêt vont rester durablement bas et poussent les États à s’endetter pour financer des investissements à des taux négatifs (comme Olivier Blanchard),
- et ceux qui pensent que les taux risquent de remonter et qui militent pour contenir la dépense publique malgré les taux bas (comme le fait actuellement l’Allemagne qui investit peu malgré des taux parmi les plus bas des pays développés).