Les chiffres officiels de croissance sont-ils fiables ?
La croissance chinoise, quoiqu’en ralentissement, reste dynamique à 6,2 % sur un an au deuxième trimestre 2019. Cependant, des doutes récurrents entourent la crédibilité des statistiques officielles.
En effet, la croissance chinoise se montre étonnamment stable et toujours conforme aux anticipations du gouvernement. De plus, en tentant de reconstruire le taux de croissance officiel à partir de données sectorielles ou régionales, la croissance calculée par de nombreux économistes est nettement inférieure au taux officiel.
Par exemple, Dimitriy Plekhanov* a recensé des travaux universitaires estimant les statistiques chinoises. La majorité des études répertoriées se montrent plutôt critiques envers la qualité des statistiques officielles.
Les conséquences de la guerre commerciale entre les USA et la Chine
Donald Trump a imposé des droits de douane à hauteur de 25 % sur 200 milliards de produits chinois importés par les États-Unis (sur 500 milliards d’importations totales). Le résultat a été une chute de 9 % des exportations chinoises à destination des États-Unis sur les cinq premiers mois de 2019. Comme les États-Unis représentent 19 % du total des exportations chinoises, la guerre commerciale de Donald Trump a un effet clairement négatif sur la Chine.
Les droits de douane américains pénalisent indéniablement la Chine, mais il n’est pas certain qu’ils bénéficient aux États-Unis. En effet, les produits anciennement importés de Chine ne seront probablement pas fabriqués aux États-Unis mais importés d’autres fournisseurs (Vietnam, Mexique…) à des prix plus élevés que ceux pratiqués par la Chine. La guerre commerciale risque donc de renchérir les importations américaines, ce qui pénaliserait le consommateur.
Les exportations chinoises d’une manière générale ont pâti d’une croissance mondiale atone et ont baissé début 2019. La croissance des exportations vers l’Europe a ralenti et les ventes chinoises vers l’Asie ont diminué.
Le ralentissement de la croissance chinoise a aussi des causes internes
Le freinage chinois a des causes indépendantes du commerce international. La progression des ventes au détail a été de 5,8 % en glissement annuel sur les mois d’avril-mai 2019 (c’est-à-dire en comparant les mois d’avril et mai 2018 aux mêmes mois en 2019), ce qui représente un net ralentissement. Ceci s’explique notamment par les ventes de voitures qui, après avoir baissé de 3 % en 2018 ont accéléré leur chute début 2019.
L’investissement s’est également tassé début 2019. Cela peut s’expliquer par la forte progression de la dette ces dernières années. La dette totale de la Chine (ménages, entreprises, État) représentait 257 % du PIB en 2017 contre 151 % dix ans plus tôt. Cette progression très rapide de l’endettement ne peut pas durer éternellement, ce qui implique un freinage de l’investissement (que ce soit l’investissement immobilier des ménages, des entreprises ou des acteurs publics).
L’investissement immobilier, qui marque des signes d’essoufflement, pourrait plonger ces prochaines années en cas d’éclatement d’un bulle immobilière. La Chine a en effet lancé des projets de construction à un rythme effréné. Par exemple, au pic de la bulle immobilière en 2006-2007, 13 % de la main d’œuvre urbaine espagnole travaillait dans la construction (8 % aux États-Unis à la même époque), contre 16 % en Chine en 2014, selon une étude d’Edward Glaeser, Wei Huang, Yueran Ma, et Andrei Shleifer*.
Il n’est donc pas exclu, en se référant aux conséquences des bulles immobilières espagnole et américaine, qu’un retournement de la construction fasse brutalement dérailler l’économie chinoise.
* Dimitriy Plekhanov, 2017, Quality of China’s Official Statistics: A Brief Review of Academic Perspectives, The Copenhagen Journal of Asian Studies.
* Edward Glaeser, Wei Huang, Yueran Ma, et Andrei Shleifer, 2017, A Real Estate Boom with Chinese Characteristics, Journal of Economic Perspectives.