Quels enjeux pour la politique monétaire ?
Le taux directeur américain a été ramené au niveau de fin 2018, entre 2 et 2,25 %. Suite à des mois de tensions entre le président Donald Trump et le directeur de la FED, Jerome Powell, ce dernier a finalement décidé de réduire les taux pour soutenir l’expansion économique et relancer l’inflation. Pourtant, le président étatsunien qui s’attaque à l’indépendance de la réserve fédérale depuis quelques mois, s’est montré déçu de la réduction des taux effectuée hier, jugée trop faible par le mandataire : “il nous a laissé tomber”.
Il y a plusieurs taux directeurs qui sont fixés par la banque centrale. Ils lui permettent de piloter sa politique monétaire en agissant sur le coût de l’argent pour les banques et les institutions financières qui seront, elles-mêmes, amenées à les répercuter sur leurs clients. Ce sont le taux de dépôt au jour le jour, le taux d’escompte et le taux de refinancement, celui qui a été baissé.
Dès 2008, la banque centrale américaine avait tout misé sur les politiques “non conventionnelles” ayant pour but de sortir le plus rapidement possible de la crise mondiale. Pour y parvenir, la FED avait d’abord baissé son taux d’intérêt directeur pour le ramener à 0 % en décembre 2008, puis elle avait commencée des programmes d’achats massifs d’actifs financiers (assouplissement quantitatif, QE) destinés à fournir les liquidités aux marchés et à peser sur les taux d’intérêt à long terme.
Depuis 2015, la FED, à l’époque dirigée par Janet Yellen, a voulu « normaliser” sa politique monétaire. La remontée progressive des taux et la fin des programmes d’assouplissement avait été jugée essentielle. La normalisation aurait permis à la banque centrale d’agir lors d’une nouvelle crise et ainsi soutenir l’activité économique.
L’économie américaine est-elle en forme ?
Taux de chômage à son niveau le plus bas depuis quarante ans, croissance supérieure à deux pour cent, embellie salariale… l’économie américaine connaît le plus long cycle d’expansion de son histoire. Ainsi, le Fonds Monétaire International anticipe une hausse de 2,6 % du PIB cette année, au-dessus de son potentiel (après 2,9 % l’an dernier), puis de 1,9 % en 2020.
Cependant, le risques et l’incertitude se multiplient ces derniers mois : l’aggravation des tensions commerciales, la hausse rapide de la dette publique et le risque d’instabilité financière pourraient ralentir la croissance à moyen terme.
En pleine campagne électorale, le ralentissement n’est pas une option pour Donald Trump. Depuis l’été dernier, Jerome Powell est devenu sa cible sur les réseaux sociaux. Il lui reproche de ne pas baisser les taux pour soutenir la croissance économique, face aux politiques monétaires accommodantes des homologues européens et chinois.
Comment justifier la baisse des taux ?
En juin dernier, lors d’une conférence de la BCE au Portugal, Mario Draghi, le président de l’institution européenne avait déclaré que la banque centrale allait assouplir de nouveau sa politique si l’inflation ne remontait pas.
La faiblesse de l’inflation aux Etats-Unis, qui est nettement en dessous de l’objectif de 2 %, est devenue l’excuse parfaite pour mettre en oeuvre la baisse des taux. Certains membres de la banque centrale cherchent à justifier la réduction des taux depuis quelques semaines. Ainsi, le président de la FED de Dallas, Robert S. Kaplan, défend une réduction des taux pour stimuler l’économie car selon lui, on est rentrés dans une ère d’inflation structurellement faible à cause des innovations technologiques et des forces de la mondialisation, qui font diminuer le pouvoir de marché des firmes. Cela aurait donc brisé le lien entre l’évolution des salaires et l’inflation au cours des deux dernières décennies.
Dimanche dernier, lors d’une intervention publique, l’ancienne présidente de la Fed, Janet Yellen, s’est également déclarée favorable à une petite réduction d’un quart de point. Elle a cité l’incertitude créée par la guerre tarifaire avec la Chine, la modération de la croissance et la faible inflation. Cette déclaration a pu conforter le choix de Jerome Powell, depuis peu à la tête de la banque centrale.