Nouvel épisode du conflit commercial
Suite à la menace de Donald Trump d’imposer 10 % de droits de douane supplémentaires aux importations chinoises à compter du 1er septembre, les autorités chinoises ont réagi en laissant chuter le cours du yuan en dessous du seuil symbolique de 7 yuans pour 1 dollar, soit le niveau le plus bas depuis la crise financière de 2008.
C’est la première fois depuis 1994 que les États-Unis déclarent la Chine comme un pays manipulateur de devises. Le Trésor américain l’avait évité jusqu’à présent, bien que cette option ait été soulevée lors de l’effondrement du yuan lors de la dernière crise financière. La valeur de la monnaie chinoise est à nouveau au niveau de 2008, ce qui favorise remarquablement les exportations de l’empire du Milieu : ses produits acquièrent une compétitivité immédiate et sans qu’il soit nécessaire de réduire la production. À un moment où elle doit faire face à des hausses répétées de tarifs de Washington, la Chine peut ainsi compenser l’effet de ces tarifs.
Le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, a expliqué dans un communiqué qu’il demanderait maintenant au Fonds monétaire international (FMI) de « procéder à l’élimination de l’avantage concurrentiel injuste créé par les dernières actions de la Chine ». La manoeuvre de Washington contre Beijing pourrait ainsi déclencher une crise encore plus grave entre les deux pays.
La guerre des monnaies désigne une situation dans laquelle les autorités de différents pays participant de façon significative aux échanges économiques internationaux, s’engagent dans des politiques de dévaluations compétitives.
La Chine manipule-t-elle vraiment sa monnaie ?
Pourtant, il est discutable qu’il s’agisse d’une manipulation explicite de la part de la banque centrale chinoise. Selon Paul Krugman, prix Nobel 2008 d’économie, “la Chine manipulait sa monnaie il y a 7 ou 8 ans, mais de nos jours, elle soutient sa devise au dessus du niveau où elle serait si le yuan flottait librement”. Il serait prévisible que la monnaie chinoise tende à se déprécier, face à la perspective de perte de marché à cause des barrières tarifaires. Au titre de comparaison, la livre sterling a perdu 3 % de sa valeur par rapport au dollar, depuis l’arrivée de Boris Johnson au pouvoir, qui a relancé le risque d’un Brexit sans accord.
La dévaluation du yuan irait à l’encontre des efforts des autorités chinoises de développer le marché intérieur. Un yuan faible renchérit le coût des importations et diminue le pouvoir d’achat des ménages.
La guerre commerciale : une stratégie efficace ?
Jusqu’à présent, les barrières tarifaires sur les produits chinois n’ont pas eu l’effet désiré sur la balance commerciale américaine. Malgré des barrières qui s’élèvent à 20 % en moyenne sur les 500 milliards de dollars de biens importés en provenance de la Chine, les importations étatsuniennes continuent à croître au profit d’autres pays asiatiques comme le Vietnam. De plus, les exportations américaines ont chuté de 1,5 % au premier trimestre de 2019 (en valeur réelle), ayant pour résultat d’aggraver le déficit commercial.
Le déficit commercial américain s’élève à 434 milliards de dollars pour la période de janvier à juin 2019, contre un déficit de 421 milliards pour la même période en 2018, soit une augmentation de 3 %.
Un yuan plus faible rend les produits américains plus chers sur le marché chinois, surtout les produits agricoles comme le soja et les biens à haute valeur ajoutée. La guerre commerciale s’intensifie à un moment où la croissance se modère pour toutes les économies avancées et le commerce mondial peine à retrouver le dynamisme de la période pré-crise financière de 2008.
Par ailleurs, le risque d’une guerre des monnaies hante les investisseurs du monde entier. Le Trésor, l’équivalent du ministère de l’Economie, est le gardien du dollar américain, pas la banque centrale (la Réserve fédérale). L’administration Trump pourrait donc utiliser plusieurs outils pour intervenir si nécessaire sur le marché des devises et rentrer dans une course à la dépréciation avec la zone euro (que le président Trump accusait également de manipuler le taux de change) et la Chine.
Les marchés financiers en état d’alerte
Wall Street a subi lundi 5 août sa pire journée de l’année, avec une chute de 2,90 % du Dow Jones, de 2,98 % pour le S&P 500 et de 3,47 % pour le Nasdaq, qui regroupe les entreprises du numérique, les plus affectées par la guerre commerciale. Les places de Shanghaï et de Hong Kong ont, elles aussi enregistré de fortes baisses.
Le yen, le franc suisse et l’or, actifs considérés comme des valeurs refuges lors des périodes d’incertitude, ont subi une appréciation après l’annonce du département du Trésor.
La réplique de Pékin aux barrières tarifaires, en suspendant l’achat de produits agricoles américains, a encore accentué les pertes à Wall Street.