Une longue liste de produits taxés
Le 2 octobre 2019, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a estimé que les États-Unis étaient autorisés à prendre des mesures de rétorsion contre les importations européennes à hauteur de 7,496 milliards de dollars. En effet, l’OMC a estimé qu’Airbus a bénéficié de subventions illégales au regard des règles du commerce international. C’est pourquoi les produits européens visés par les droits de douane américains viennent principalement des pays européens partenaires d’Airbus : la France, l’Espagne, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
À partir du 18 octobre, une liste d’environ 150 catégories de produits seront soumis à des droits de douane américains : les avions civils à hauteur de 10 %, les autres produits subiront eux des droits de douane de 25 % (le whisky,le café allemand et les couteaux allemands, une large variété de vins et de fromages de plusieurs pays européens…).
Contrairement aux droits de douanes appliqués à la Chine par Donald Trump, les taxes envers les importations européennes font suite à une condamnation des européens par l’OMC pour des subventions accordées à Airbus. Elles sont donc en accord avec les règles actuelles du commerce international.
Cependant, la hausse des droits de douanes ne représente « que » 7,5 milliards de dollars, un chiffre relativement faible comparé aux exportations totales de marchandises de l’Union européenne vers les États-Unis qui s’élevaient à 406 milliards d’euros en 2018 (soit pratiquement 500 milliards de dollars).
De plus, Boeing fait également l’objet d’une enquête de la part de l’OMC pour avoir elle aussi reçu des subventions. Il est donc possible que, dans les mois à venir, l’Europe impose à son tour des droits de douane sur des importations de produits américains.
Augmenter les droits de douane, une bonne affaire pour les États-Unis ?
Donald Trump a une vision mercantiliste du commerce international, c’est-à-dire qu’il veut promouvoir les exportations et freiner les importations.
Cette vision est critiquée par le modèle des « avantages comparatifs » de David Ricardo. Selon ce modèle, le but du commerce international est de gagner en productivité en se spécialisant dans une gamme de production limitée pour laquelle un pays est particulièrement efficace. Ainsi, chaque pays exporte la production pour laquelle il est plus productif et importe tout le reste.
L’approche de Ricardo est partagée par Paul Krugman, lauréat du « prix Nobel » pour ses travaux sur le commerce international, pour qui le but du commerce n’est pas d’exporter le plus possible, mais d’importer ce que les autres fabriquent plus efficacement (donc à moindre coût).
De plus, comme le disait déjà au XIXème siècle l’économiste français Frédéric Bastiat, il est préférable de favoriser l’ouverture commerciale, y compris si les autres pays mettent des entraves au commerce. Cette vision, parfois critiquée, est soutenue par de nombreux économistes tels que Paul Krugman.
La théorie de Frédéric Bastiat peut sembler en contradiction avec le sens commun selon lequel un pays se doit de répliquer aux mesures protectionnistes d’un autre. Pourtant, les États-Unis vont-ils réellement bénéficier des droits de douane instaurés en réponse aux subventions européennes accordées à Airbus ?
Cela incitera certes les consommateurs américains à préférer des produits domestiques, ce qui est l’effet bénéfique attendu des mesures protectionnistes. Mais il existe deux effets négatifs. Premièrement, le protectionnisme conduit à une hausse des prix car, si les américains importaient des produits européens, c’est parce-que ceux-ci étaient moins chers. En préférant des produits locaux plus chers, c’est le consommateur américain, et donc la consommation des ménages, qui sera pénalisée à court terme.
Deuxièmement, ces mesures protectionnistes conduiront, toutes choses égales par ailleurs, à une dépréciation de l’euro par rapport au dollar. De ce fait, les exportations américaines vers l’Europe seront pénalisées, et les importations européennes aux États-Unis deviendront plus compétitives.
Le taux de change résulte de la confrontation de l’offre et de la demande de monnaie. Si les États-Unis importent moins de produit européens, la demande d’euros diminue (toutes choses égales par ailleurs), ce qui conduit à une dépréciation de l’euro par rapport au dollar.