Jean Tirole, économiste français, président de l’Ecole d’Economie de Toulouse (TSE) et prix Nobel en sciences économiques en 2014, s’est exprimé sur le rôle de l’économiste lors du festival « Médias en Seine » le mardi 8 octobre 2019.
Les Français ont un « déficit de confiance » vis-à-vis des marchés, des médias, des experts scientifiques, des politiques, des syndicats,… tel est le constat de Jean Tirole. La crise de 2007-2008 n’a rien arrangé puisqu’elle a prouvé une « défaillance massive de l’Etat dans son rôle de régulateur » et a instauré une méfiance envers les économistes.
L’économiste et les crises
Le prix Nobel souligne tout d’abord que les Etats sont les premiers acteurs des bulles immobilières qu’ils encouragent : un secteur de la construction dynamique engendre des emplois, de la consommation, de la croissance… des répercussions plébiscitées par les gouvernements.
Les économistes élaborent « des théories qui ne sont pas parfaites » et ne disposent pas nécessairement de toutes les informations en temps réel, raisons pour lesquelles ils n’ont pas pu alerter sur l’imminence de la crise des subprimes. En revanche, à la suite de celle-ci, ils se sont activés pour trouver les éléments déclencheurs. C’est pourquoi d’ailleurs Jean Tirole indique que « l’économiste n’est pas dans la prévision mais dans l’identification des facteurs des crises ».
Dans le cas de la mondialisation, il n’y avait que peu de perdants jusque dans les années 1990. Et son alternative qui a actuellement le vent en poupe, le protectionnisme, ne fait pas tellement plus de gagnants. Alors que l’ouverture au commerce international a permis aux pays émergents de voir leur niveau de vie augmenter, la hausse des prix découlant des droits de douane désavantage les consommateurs dont le pouvoir d’achat se dégrade.
L’économiste et le vrai
L’intitulé de la conférence étant « L’économiste peut-il dire le vrai ? », le président de la Toulouse School of Economics a énoncé l’une de ses vérités : la transition écologique ne se fera pas sans coûts. Selon lui, les citoyens ne veulent pas sacrifier leur pouvoir d’achat, ce qui freine le passage au vert de l’économie. Il y a un biais cognitif des populations : « on veut croire à un monde meilleur sans rien faire » alors que les problèmes tels que l’écologie, le chômage ou les inégalités d’éducation ne disparaîtront pas sans changer les comportements.
« Les experts sont déconsidérés » (en parlant autant des économistes que des climatologues) – Jean Tirole.
Jean Tirole avoue que le « jugement [d’un économiste] peut être biaisé », notamment par ses idéologies politiques. Mais le biais peut également venir de l’extérieur, lorsqu’un économiste est par exemple associé à un courant de pensée mal compris par le public. Jean Tirole aborde son cas : économiste libéral, il est loin de prôner un laisser-faire à toute épreuve mais milite pour une complémentarité du marché et de l’Etat. Pour lui, « le libéralisme, c’est la régulation des GAFA, la protection du consommateur, la sécurité alimentaire ».