En décembre 2018, à la suite du mouvement des « Gilets jaunes », les banques s’étaient engagées à plafonner à 25 € par mois les frais d’incidents bancaires pour les personnes les plus fragiles financièrement. Cette mesure devait bénéficier à 3,6 millions de personnes, selon le chiffrage de la présidence.
L’Union des associations familiales (Unaf) et la revue consumériste « 60 millions de consommateurs » ont mené une enquête pour vérifier si l’engagement des banques en faveur du plafonnement des frais pour incidents était appliqué sur le terrain. Les résultats sont décevants.
Une enquête terrain avec 104 clients en grande difficulté
Une enquête clients mystère a été menée du 5 juin au 27 juillet 2019. 104 clients particuliers en grande difficulté financière ont pris rendez-vous avec leur conseiller bancaire pour obtenir une solution à leur situation. Le panel était le suivant :
– 13 personnes sont interdits bancaires (inscrits au fichier central des chèques depuis au moins 3 mois),
– 23 personnes ont déposé un dossier, déclaré recevable, auprès d’une commission de surendettement,
– 68 personnes ont de faibles revenus (de 1 000 à 1 800 € par mois) et des frais d’incidents de plus de 40 € mensuels depuis trois mois.
Huit réseaux bancaires ont été testés : BNP Paribas, La Banque Postale, Société Générale, LCL, Banque Populaire, Caisse d’Epargne, Crédit Mutuel et Crédit Agricole.
En principe, les deux premiers profils doivent automatiquement bénéficier du plafonnement des frais d’incident à 25 €/mois. Le troisième profil correspond aux personnes pouvant être identifiées comme étant en situation de fragilité financière et, à ce titre, éligibles au plafonnement à 25 €/mois.
78 % des interdits bancaires et des surendettés ne bénéficient d’aucun plafonnement
Les auteurs de l’enquête constatent que le plafonnement n’est pas mis en place pour la grande majorité des clients faisant face à de nombreux frais pour incidents.
78 % des interdits bancaires et des surendettés, qui devraient avoir droit automatiquement au plafonnement des frais pour incident, ne bénéficient d’aucun plafonnement.
Et 91 % des personnes, ayant de faibles revenus et des incidents de paiement, ne bénéficient pas du plafonnement de leurs frais à 25 €/mois.
Selon l’engagement bancaire, la personne « en situation de fragilité financière » doit être identifiée par son établissement bancaire. Mais les critères d’identification ne sont pas publiquement établis et ne peuvent donc pas être connus des clients éventuellement concernés.
9 % des clients n’ont eu aucune proposition de solution à leur situation
Suite aux rendez-vous avec leur conseiller bancaire, 27 % des clients ont obtenu le remboursement d’une partie de leur frais. Les sommes remboursées s’élèvent de 1,50 € à 200 € pour une moyenne de 92 €.
Au lieu de mettre en place le plafonnement, ce qui éviterait l’aggravation de la situation financière des personnes concernées, les banques proposent plutôt le remboursement d’une partie de ces frais. Mais les bases de ce remboursement ne sont pas explicitées : est-ce l’application du plafonnement ou seulement un geste commercial ?
Parmi les solutions proposées par les conseillers, l’augmentation du découvert a été offerte à 25 % des clients de l’étude. Ce qui peut, ponctuellement, éviter la multiplication des frais pour incidents. Mais pour 10 % des clients de l’étude, leur autorisation de découvert a été supprimée.
Les conseillers ont également proposé la souscription de produits et services, plus ou moins adaptés. Ce peut être une nouvelle assurance habitation, pour réduire le coût de celle déjà détenue, mais ce sont aussi des offres moins adaptées qui augmentent le montant des prélèvements mensuels : une assurance décès, une garantie contre les accidents de la vie…
L’association Unaf demande aux pouvoirs publics de passer à un dispositif législatif, plus contraignant, pour permettre aux quelques 8 millions de personnes qui subissent chaque mois des frais d’incidents bancaires de bénéficier réellement du plafonnement des frais d’incidents.
Dans un communiqué du 23 octobre 2019, la Fédération bancaire française rappelle que l’Observatoire de l’inclusion bancaire a constaté, dès le mois de mai 2019, « une forte mobilisation de la profession, pour mettre rapidement en place ce dispositif de plafonnement » et que « les engagements pris par les banques sont donc appliqués ». Pour la fédération, depuis le 1er février 2019, 3,4 millions de clients fragiles financièrement, tels que définis par la loi, bénéficient d’un plafonnement mensuel de leurs frais d’incidents. Elle rappelle également « qu’afin de mettre en place le plafonnement immédiat, deux solutions ont été déployées en février 2019 : soit les frais d’incidents sont automatiquement remboursés, a posteriori, soit ils ne sont pas prélevés, solution en cours de généralisation ».
Que faire en cas de difficultés financières ?
Vous devez rencontrer votre conseiller bancaire sans trop tarder. Plusieurs solutions pourront être mises en place : hausse du montant de votre autorisation de découvert, suppression de produits ou services que vous n’utilisez pas (assurance des moyens de paiement par exemple), choix d’une carte bancaire moins coûteuse… Vous pouvez également demander à bénéficier de l’offre spécifique Clients fragiles, qui plafonne les frais pour incidents à 20 € par et 200 € par an. Enfin, vous pouvez vous tourner vers les Points Conseil Budget, qui ont pour objectif d’aider les personnes confrontées à des difficultés financières.