La colossale empreinte carbone des banques françaises
Les travaux du GIEC pointent l’urgence qu’il y a à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et de parvenir à une neutralité carbone à l’horizon 2050.
Pourtant, dans un rapport intitulé « La colossale empreinte carbone des banques : une affaire d’État », Oxfam et Les amis de la terre pointent l’activité forte des banques françaises dans les activités les plus polluantes (notamment le pétrole et le charbon).
En effet, en 2018, les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement et d’investissement des quatre plus grandes banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE) dans le secteur des énergies fossiles auraient atteint plus de 2 milliards de tonnes équivalent CO2, soit 4,5 fois les émissions de la France cette année-là.
Parmi les quatre banques étudiées, Société Générale serait la moins vertueuse (390 grammes équivalent CO2 par euro au titre de 2018) et BPCE la plus en avance sur la décarbonatation de ses activités (127 grammes équivalent CO2 par euro au titre de 2018). Le rapport souligne donc la possibilité pour les banques d’adopter un modèle plus respectueux de l’environnement.
Si le rapport pointe des pas dans la bonne direction, à savoir des engagements croissants des banques de se détourner des activités les plus polluantes, il souligne aussi que ces engagements tardent à se traduire en actes concrets. C’est pourquoi, pointant l’insuffisance de l’autorégulation, le rapport demande la mise en place, dès 2020, de normes contraignantes permettant d’aligner les activités des banques françaises avec les objectifs de l’accord de Paris.
Des banques vraiment irresponsables ?
Frédéric Oudéa, PDG de la Société Générale, et Président de la FBF, a souligné que, si les banques financent parfois des énergies fossiles, c’est avant tout parce que nos économies en dépendent grandement. Selon lui, les banques françaises sont aussi celles qui, dans le monde, sont le plus en pointe dans le financement des énergies renouvelables.
A La finance pour tous, il nous a semblé que ce rapport avait parfois le tort de privilégier le sensationnalisme à la rigueur des chiffres.
Par exemple, la formulation page 11 de la phrase mise en avant « En 2018, les émissions des 4 plus grandes banques françaises équivalaient à 4,5 fois les émissions de la France » nous paraît trompeuse.
En effet, ce sont les émissions d’activités financées par les banques, et non les émissions des banques elles-mêmes, qui sont mesurées (ce qui est formulé de façon plus précise à d’autres endroits du rapport).
De plus, nous ne sommes pas certains de bien comprendre la manière dont est calculée l’empreinte carbone des banques, même après avoir lu la méthodologie du rapport (les définitions données du crédit et de l’investissement nous semblent par exemple peu claires et changeantes).
Une des conclusions centrales du rapport, le fait que, en 2018, les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement et d’investissement des quatre principales banques françaises représentent 4,5 fois les émissions de la France cette année nous semble floue.
Compare-t-on les financements et investissements réalisés en 2018 aux émissions de 2018 ou le stock de financements et d’investissements réalisés par le passé aux émissions de 2018 ? Les explications méthodologiques ne nous ont pas permis d’apporter une réponse certaine à cette question qui nous semble centrale.
Enfin, si le rapport pointe à juste titre la lenteur des banques à s’adapter à l’impératif de la transition énergétique, il nous semble délicat de pointer du doigt uniquement les banques, sans mentionner les autres acteurs. En effet, quand une entreprise a une activité polluante, ses financeurs ont certes une part de responsabilité, mais d’autres parties prenantes comme les salariés ou les consommateurs nous semblent tout aussi responsables de la pollution émise que les banques.