Taïwan : des relations internationales complexes
Taïwan est un « pays » original en ce sens qu’il est considéré par la communauté internationale comme une province chinoise (il ne siège pas à l’ONU) alors que, dans les faits, il possède tous les attributs de la souveraineté (armée, justice, monnaie…) et n’applique pas les lois de Pékin.
La Chine ne cache pas sa volonté de ramener Taïwan dans son giron, ce que rejette la majorité des Taïwanais, comme l’a prouvé l’élection présidentielle du dimanche 12 janvier. En effet, échaudés par la pression croissante de la Chine sur Hong-Kong (qui bénéficie d’une forte autonomie), de nombreux Taïwanais craignent l’influence de Pékin et ont massivement voté pour la présidente sortante Tsai Ing-wen (réélue avec plus de 57 % des voix), partisane d’une ligne dure face au puissant voisin chinois.
Cette dernière aura fort à faire pour gérer une relation conflictuelle avec la Chine et la menace réelle d’une invasion militaire, tout en pilotant une économie qui montre certains signes de faiblesse.
L’économie taïwanaise à la recherche d’un second souffle
Taïwan fait partie, avec Singapour, Hong-Kong et la Corée du Sud, des « dragons » asiatiques, c’est-à-dire des pays ayant connu un développement économique phénoménal des années 1970 aux années 2000.
La croissance de ces pays a été tirée par une forte ouverture internationale et la hausse vertigineuse des exportations, tout en maintenant un État interventionniste, capable d’investir dans l’éducation, les technologies et les infrastructures. À partir des années 1980, la Chine s’est inspirée de ses voisins pour adopter une stratégie de développement économique assez similaire.
Cependant, la croissance taïwanaise a ralenti dernièrement, ce qui est assez logique puisque le pays a terminé son rattrapage et présente un niveau de vie comparable à celui des pays développés. Alors que la croissance moyenne était supérieure à 8 % par an dans les années 1980, elle était d’à peine 4 % de 2000 à 2010, et de 3 % de 2010 à 2019.
La croissance est anticipée à 2 % en 2019, et le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une stabilisation à ce niveau d’ici à 2024. L’inflation est faible, à moins de 1,5 %, la dette publique stabilisée à mois de 35 % du PIB et le pays présente structurellement un énorme excédent extérieur (autour de 10 % du PIB d’excédent courant).
Le compte courant (ou balance courante) comprend à la fois la balance commerciale (échange de biens), la balance des services, la balance des revenus (rapatriement des profits d’une multinationale par exemple) et les transferts courants (aide au développement par exemple).
Taïwan possède donc de solides fondamentaux économiques, même si le rythme de croissance s’est fortement réduit. Pourtant, des risques pourraient se matérialiser, notamment dus à la relation complexe avec la Chine.
Par exemple, la Chine tente d’isoler l’île sur la scène internationale, ce qui impacte négativement le tourisme. De plus, près de la moitié des exportations sont à destination de la Chine, ce qui présente un double risque : une dépendance économique qui peut se traduire en dépendance politique, et le risque d’un plongeon des exportations si l’économie chinoise venait à caler.
La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis (qui semble s’apaiser actuellement) présente à la fois une menace et une opportunité. D’un côté, Taïwan peut être touchée car son industrie est fortement intégrée dans les chaînes de production avec son voisin chinois. De l’autre, les importateurs américains pourraient se tourner vers des produits taïwanais pour éviter les droits de douane sur les importations chinoises (les exportations taïwanaises vers les États-Unis sont en augmentation, mais il est difficile de mesurer la part de cette hausse due à la guerre commerciale avec la Chine).
À plus long terme, la très faible fécondité taïwanaise (1,13 enfants par femme en 2017, un des niveaux les plus faibles au monde) va entraîner un rapide vieillissement qui pèsera sur la capacité productive et sur les comptes publics.