Retrait des 1 et 2 centimes : la Commission Européenne reprend l’initiative
En adoptant mercredi 29 janvier son Programme de travail 2020, la Commission von der Leyen a adopté le principe d’une « Evaluation de l’utilisation des pièces d’un et de deux centimes d’euro et de la possibilité d’introduire des règles d’arrondi communes ».
En effet, de plus en plus d’Etats membres ne produisent plus de pièces de 1 et 2 centimes d’euros : il s’agit de la Belgique (décembre 2019), de l’Italie (2018) et auparavant de l’Irlande, de la Suède, du Danemark, de la Hongrie et de la Finlande.
Une proposition législative pourrait être présentée en 2020 par la Commission après la réalisation d’une analyse d’impact sur la mise en œuvre de règles d’arrondis uniformes.
En préconisant une règle commune des arrondis dans la zone euro, la Commission poursuit, un double objectif : une réduction des couts de production des pièces par les Etats membres, et une réduction du cash circulant au profit des paiements dématérialisés.
Application de la règle des arrondis en cas de retrait des pièces des 1 et 2 centimes :
Les paiements en arrondis ne concerneraient que les paiements en espèces (monnaie et billets) selon la règle des arrondis aux 0 ou 5 centimes les plus proches. Ainsi :
- Un produit vendu 10,01 ou 10,02 euros est automatiquement arrondi à 10 euros,
- Un produit vendu 10,03 ou 10,04 ou 10,06 ou 10,07 euros est vendu automatiquement à 10,05 euros,
- Un produit vendu 10,08 ou 10,09 euros est vendu automatiquement à 10,10 euros.
Toutefois, l’arrondi portera sur la facture totale des achats, non sur chaque produit acheté.
Pour les paiements par cartes bancaires et chèques, les commerçants n’auraient pas l’obligation de proposer des arrondis : les prix pourront rester au centime prés. Si cependant les commerçants appliquent les arrondis pour ce type de paiement, l’arrondi portera également sur le total des achats.
Le retrait matériel des pièces de 1 et 2 centimes n’empêchera pas que les prix des produits chez les commerçants continueront eux de pouvoir s’afficher en centime(s).
Les 1 et 2 centimes d’euro : une source de controverses
De nombreuses critiques sont formulées sur ces pièces depuis leur création :
- Pour les Etats émetteurs, le coût de production des pièces serait supérieur à leur valeur ! Le coût du 1 centime serait de 1,65 centime, et celui du 2 centimes serait de 1,94 centime.
- Une part importante des pièces n’est tout simplement pas utilisée par les consommateurs :
- La plupart des consommateurs français mettent directement ces pièces dans un pot de confiture, voire s’en débarrassent ! 24 % des Français déclarent ne pas utiliser ces pièces (37 % au niveau européen). Fin 2018 (sondage BCE), 58 % des Français étaient favorables à la suppression de ces pièces.
- Les pièces ne sont quasiment plus acceptées par les distributeurs automatiques.
Au final, ces pièces représentent une masse monétaire qui ne circule plus, d’où la nécessité pour les Etats d’en frapper constamment de nouvelles et de les remettre en circulation.
Toutefois, il existe des arguments en faveur du maintien de ces pièces :
- Pour le consommateur, il permet par exemple de faire l’appoint, ce qui permet de rester en contact physique avec de l’argent, si minime soit-il,
- Surtout, ces petites pièces auraient le principal atout de préserver le consommateur de dérives inflationnistes : obligés de rendre la monnaie, les commerçants ne seraient pas incités pour des raisons à la fois commerciales et pratiques d’arrondir les prix au niveau supérieur.
Suppression des centimes et controverse sur l’inflation
Alors : inflationniste ou pas ? Il est probable en effet que l’effet immédiat du retrait des pièces de 1 et 2 centimes sera l’obligation d’appliquer un « arrondi », pour tout paiement par cash. Et ainsi de faire monter le prix.
C’est l’argumentation des associations de consommateurs – notamment en France (UFC Que Choisir) : les expériences du passage à l’euro fiduciaire (2002) et de la baisse de la TVA dans la restauration (2009) ont toutes les deux montré que les commerçants arrondissaient le prix à l’unité supérieure.
Ces réticences des consommateurs expliquent la prudence des pouvoirs publics et de la Commission Européenne à passer à la règle des arrondis. Cette argumentation est partagée par l’INSEE qui s’appuie également sur la période du passage à l’euro.
Mais selon la Commission, les différentes expériences n’ont pas démontré que l’application d’une règle des arrondis aurait mécaniquement des effets inflationnistes. En Irlande, aux Pays-Bas, en Finlande, on assisterait du côté des commerçants à la fois à une baisse et à une hausse des prix selon les produits, les commerçants arrondissant soit au niveau inférieur, soit au niveau supérieur.
Les pièces de 1 et 2 centimes d’euro dans la zone euro
La production des pièces de 1 et 2 centimes est de la compétence des Etats membres de la zone euro.
Chaque Etat fabrique et met en circulation ces pièces, comportant une face commune (le dessin montre sur un globe la position de l’Europe par rapport à l’Afrique et à l’Asie) et une face nationale dont le dessin a été choisi par l’Etat d’émission, à la différence des billets en euro, dont les deux faces sont communes dans tous les Etats membres.
Au 1er janvier 2020, les pièces de 1 et 2 centimes d’euro représentaient près de 50 % des pièces émises dans toute la zone euro.