Dans un contexte d’inquiétude lié à l’épidémie de coronavirus, les épargnants ont fortement épargné. En premier lieu, sur des supports sans risque : ainsi, le livret A connait une collecte nette au mois de mars 2020 de près de 2,71 milliards d’euros, soit le plus haut niveau depuis 2009. Même constat pour le Livret Développement Durable et Solidaire (LDDS), qui a engrangé 1,12 milliard d’euros.
Parmi les supports phares de l’épargne française, seule l’assurance vie subit une décollecte nette de -2,2 milliards d’euros.
Dans ce contexte de forte épargne, qu’en est-il des placements boursiers plus risqués mais potentiellement plus rémunérateurs ?
L’étude réalisée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) du 24 février au 3 avril 2020 grâce aux données fournies par les établissements financiers, pendant la période de plus forte volatilité des marchés actions, met en exergue une augmentation significative des volumes d’achats nets sur les titres du SBF 120 représentant en montant 80 % des transactions du marché actions français.
L’indice SBF 120 (Société des Bourses Françaises) inclut 120 actions françaises, considérées comme les plus représentatives du marché français dont celles du CAC 40.
Un engouement nouveau des Français pour les placements en actions
L’année 2019 a vu une augmentation de l’indice boursier SBF 120 de 26 %. Et pourtant, la moyenne hebdomadaire de la collecte nette (achats – ventes) a été sur cette période de – 115 millions d’euros. Ce fait peut aisément s’expliquer.
Les épargnants, compte-tenu d’une hausse très significative du prix des actions n’ont pas osé prendre en marche le train de cette hausse. En début d’année 2019, les plus avisés auraient pu le faire, mais par la suite une décision d’investissement est devenue bien plus délicate (on n’achète pas au plus haut … “au son du clairon”).
Mais tout s’est profondément modifié à la fin du mois de février 2020 lorsque les marchés actions ont pris conscience que le Covid-19 n’était pas “une petite gripette” et que les conséquences économiques qui allaient en découler seraient sévères. Les marchés actions ont chuté de plus de 30 % par rapport au plus haut de 2020. Loin d’un affolement habituel des épargnants face à cette forte baisse doublée d’un très fort jeu de yoyo des cours (volatilité), les Français ont profité de cette période pour investir sur un marché actions devenu bien moins cher.
En 5 semaines pendant la crise du Covid-19, les volumes globaux de collecte nette ont été multipliés par 3 par rapport à la moyenne de 2019 (malgré la privatisation partielle réussie de la Française Des Jeux).
Le proverbe « Acheter au son du canon, vendre au son du clairon » signifie qu’il faut acheter lorsque la situation est critique (les bruits de canon sont de mauvais augure), car les cours seront au plus bas, puis vendre lorsque la situation devient favorable (le son du clairon annonce la fin des hostilités), faisant remonter les cours.
Marchés financiers : nombreux nouveaux clients plus jeunes que les investisseurs habituels
Parmi les nombreux acheteurs d’actions sur la période analysée par l’AMF, plus de 150 000 nouveaux investisseurs ont acheté des actions du SBF 120.
Mais qui sont ces nouveaux clients ? Il s’agit de particuliers n’ayant effectué aucune transaction en direct sur instrument financier en 2018 et 2019. L’AMF rappelle que sur ces 2 années, 1,1 million de clients particuliers ont acheté des actions du SBF 120 (350 000 en enlevant les clients ayant souscrit à la privatisation de la FDJ qui rappelons-le a connu un succès significatif).
Ils ont représenté 27 % des particuliers acheteurs d’actions, et jusqu’à 20 % des montants investis en actions.
Ils ont entre 10 et 15 ans de moins que les investisseurs habituels sur actions françaises. Pour les courtiers en ligne, dont la clientèle habituelle est sensiblement plus jeune que celle des autres établissements, ces investisseurs représentent près de 20 % de leur clientèle 2018-2019 et ont moins de 40 ans en moyenne.
Tous établissements confondus, la médiane des achats effectués par des investisseurs « historiques » (autant d’investisseurs en-deçà et au-delà de ce montant) a été d’environ 5 000 €, tandis que la médiane des achats effectués par les « nouveaux » investisseurs a été d’environ 2 500 €, soit 2 fois inférieure.
Même si l’hirondelle ne fait pas le printemps, cette étude met en relief 2 informations positives :
• Les Français pouvant se permettre d’investir en actions ont perçu l’opportunité d’un achat au meilleur moment même si ce moment n’est jamais certain.
• Les nouveaux investisseurs en actions sont relativement jeunes. Il est notable que 90 % des positions prises à l’achat avaient été conservées à la fin des 6 semaines de crise observées, seules 10 % ayant fait l’objet d’allers-retours opportunistes ou de réallocation d’actifs.
Par-delà ces premiers éléments favorables, il conviendra de vérifier que l’expérience des nouveaux actionnaires leur permettra de patienter si une embellie des marchés actions s’avérait plus longue et plus chaotique que prévu.