Réduire la limitation à 110 km/h sur les autoroutes : mesurer l’impact économique
La proposition de réduction de la vitesse sur les autoroutes françaises de 130 à 110 km/h est ardemment débattue dans l’opinion publique depuis son adoption par la Convention citoyenne pour le climat. Tantôt politiques, tantôt écologiques, les arguments se succèdent pour défendre une telle mesure, censée réduire l’émission de gaz à effet de serre, ou au contraire la pourfendre, arguant de son caractère liberticide. Laissons de côté ces considérations et étudions l’impact purement économique de la réduction de la vitesse sur les autoroutes.
Pour évaluer l’opportunité d’une mesure, les économistes raisonnent à partir d’une analyse coût-bénéfice. Elle consiste à évaluer, en termes monétaires, les avantages attendus de la réforme et à les comparer aux coûts. Si les premiers sont supérieurs aux seconds, alors la mesure envisagée est souhaitable, du point de vue économique.
Coûts et bénéfices de la réduction de la vitesse sur autoroutes
Une analyse coût-bénéfice soulève deux types de difficultés. Il est, tout d’abord, nécessaire d’identifier tous les effets potentiels d’une mesure. La réduction de la vitesse sur autoroutes de 130 à 110 km/h est ainsi susceptible de générer deux types d’effets :
- des effets directs liés à la réduction de la vitesse sur autoroutes. On s’attend par exemple à une réduction du nombre de morts et, dans le même temps, à une augmentation du temps passé sur les autoroutes.
- des effets indirects liés à la modification des comportements suite à l’adoption de la mesure. Par exemple, avec la réduction de la vitesse sur autoroutes, celles-ci pourraient devenir moins attractives et les automobilistes pourraient préférer des itinéraires de substitution.
L’analyse coût-bénéfice de la réduction de vitesse sur l’autoroute nécessite donc de modéliser l’évolution des comportements après l’adoption de la mesure. Elle implique également d’en estimer, en termes monétaires, les coûts et les bénéfices, marchands et non marchands, ce qui suppose de formuler des hypothèses fortes.
Par exemple, la réduction de la vitesse sur les autoroutes se traduira par une diminution du nombre de morts sur ce type de routes, mais encore faut-il pouvoir mesurer la valeur d’une vie humaine pour évaluer économiquement ce gain !
Pour cela, les économistes ont recours à la notion de « valeur statistique de la vie humaine ». Cette dernière correspond à la somme que les individus sont prêts à payer collectivement pour obtenir une réduction de leur probabilité de décès. Ce chiffrage peut paraître indécent ou cynique, mais est nécessaire à toute analyse économique de type coût-bénéfice.
En France, la valeur statistique d’une vie humaine a été fixée à 3 millions d’euros par un rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective de 2013.
Quel bilan économique pour la réduction de la vitesse sur autoroutes ?
Un rapport du Commissariat général au développement durable de mars 2018 a mené une analyse coût-bénéfice de la réduction de la vitesse de 130 à 110 km/h sur les autoroutes. Le principal coût pour l’économie française correspond au temps perdu par les automobilistes, contraints de passer davantage de temps sur les routes. Il est estimé, par le rapport, à 1 145 millions d’euros. Ce coût est, quelque peu contrebalancé par les gains générés par les économies de carburant (360 millions d’euros), la réduction de l’accidentalité (149 millions d’euros) et des émissions de CO2 dans l’atmosphère (61 millions d’euros).
Le bilan total de la réduction de la vitesse de 130 à 110 km/h sur les autoroutes est négatif et risque de faire peser un coût de près de 550 millions d’euros sur l’économie française. Il ne s’agit bien sûr que de l’un des aspects à considérer dans la discussion de la proposition de la Convention citoyenne pour le climat, mais nul doute qu’il pourrait peser lourd en ces temps de profonde récession économique…