La remise systématique du bon à valoir porte atteinte au droit pour le voyageur de choisir le remboursement immédiat des billets et séjours annulés. Associations de consommateurs et Commission européenne engagent des actions afin de préserver les droits des consommateurs européens, dont voici un rappel.
Quel remboursement en cas d’annulation d’un voyage à forfait ou d’un séjour touristique ?
Le voyageur a le droit de demander l’annulation sans frais de son forfait (transport + location de vacances ou réservation d’hôtel…) s’il a connaissance d’un événement exceptionnel et inévitable sur le lieu de destination, ou à proximité immédiate de celui-ci, ayant des conséquences importantes sur la bonne exécution du contrat. Et le professionnel du tourisme peut annuler le contrat si des circonstances exceptionnelles et inévitables empêchent l’exécution du voyage ou du séjour.
Dans ces deux situations, la réglementation oblige le voyagiste à rembourser l’intégralité des sommes payées dans les 14 jours qui suivent l’annulation du contrat, sans autre dédommagement supplémentaire (articles L211-14 – II et R211-10 du code du tourisme).
Cependant, l’ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020, prise dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire, a instauré un système dérogatoire en autorisant les professionnels du voyage à proposer des avoirs valables 18 mois pour les voyages à forfait et les séjours touristiques annulés entre le 1er mars et le 15 septembre 2020, quelle que soit la date du voyage, par le client ou le professionnel. Lorsque le professionnel propose au consommateur un avoir, ce dernier doit attendre la fin de la période de validité du bon d’achat, si aucun nouveau séjour ou voyage n’a pu être organisé, pour être remboursé (Coronavirus : bon à valoir, report des séjours et événements annulés).
Quel remboursement en cas d’annulation de billets d’avion seuls (vols secs) ?
Lorsque la compagnie aérienne maintient le vol mais que le voyageur annule son voyage, il faut vérifier si le billet est remboursable ou échangeable, avec des frais à régler très souvent. Le droit à remboursement dépend du billet acheté.
Le voyageur qui a souscrit une assurance annulation peut bénéficier d’un remboursement des sommes payées si le risque « épidémie » n’est pas exclu des conditions de prise en charge.
Lorsque l’annulation du vol est à l’initiative de la compagnie aérienne, celle-ci doit proposer le remboursement de l’intégralité du prix du billet, dans un délai de 7 jours, ou avec l’accord du passager, un bon de voyages et/ou d’autres services, lorsqu’il s’agit d’un vol soumis à la réglementation européenne (l’aéroport de départ se trouve dans un Etat membre de l’Union européenne, de l’Islande, de la Norvège ou de la Suisse quelle que soit la compagnie, ou l’aéroport d’arrivée et le siège de la compagnie aérienne se trouvent dans l’Union européenne de l’Islande, de la Norvège ou de la Suisse), en application du règlement européen n°261/2004 du 11 février 2004. Mais la plupart des compagnies aériennes ont imposé aux voyageurs la remise d’un avoir, valable 12 à 18 mois, suivant en cela l’avis de l’Association du transport aérien international (IATA).
Pour les autres vols, les conventions internationales de Varsovie et de Montréal s’appliquant au transport international aérien des voyageurs, bagages ou marchandises, n’indiquent pas d’obligation d’assistance ou de dédommagement. Il faut se référer aux conditions générales de vente (CGV) de la compagnie aérienne pour connaître les conditions de remboursement et/ou d’indemnisation à la suite d’une annulation par la compagnie aérienne.
Même si vous ne pouvez pas être remboursé de votre billet d’avion, en cas d’annulation du vol vous avez droit au remboursement des taxes aéroportuaires : taxes d’aéroport (QW) et redevance passager (QX). Vous devez en faire la demande.
La primauté du droit au remboursement rappelé par les associations de consommateurs et la Commission européenne
Le 24 avril 2020, l’association de consommateurs UFC-Que Choisir a mis en demeure 57 compagnies aériennes de respecter le droit au remboursement en numéraire des billets annulés des voyageurs. Celles-ci imposaient un avoir uniquement. Un mois plus tard, l’association a assigné en justice, devant le Tribunal Judiciaire de Paris, 20 compagnies n’ayant pas modifié leurs modalités de remboursement.
Parallèlement, la Commission européenne émet une Recommandation le 13 mai 2020 rappelant le droit à remboursement en numéraire, si c’est le choix du consommateur. En complément, elle émet diverses recommandations pour favoriser le recours aux avoirs. Ils ne doivent pas être imposés aux voyageurs. Et ces derniers-doivent être assurés d’être remboursés au terme de leur validité. Ainsi la Commission européenne préconise la mise en place de fonds de garantie par les Etats membres, permettant le remboursement des avoirs même en cas de faillite du professionnel du voyage.
Mais de nombreux consommateurs sont toujours contraints d’accepter des avoirs, sans possibilité de remboursement. La Commission européenne a envoyé le 2 juillet 2020 une lettre de mise en demeure, première étape d’une procédure en infraction, contre 10 Etats membres(1), dont la France. Dans ces pays, « des règles nationales spécifiques relatives aux voyages à forfait restent applicables et permettent aux organisateurs de voyage à forfait de délivrer des bons à valoir, au lieu du remboursement en espèces, pour les voyages annulés ». Les Etats concernés ont un délai de deux mois pour adresser une réponse à la Commission.
(1) République tchèque, Chypre, Grèce, France, Italie, Croatie, Lituanie, Pologne, Portugal et Slovaquie
Dernière mesure engagée à ce jour : les associations de consommateurs CLCV et UFC Que Choisir ont déposé devant le Conseil d’Etat un recours contre l’ordonnance du 25 mars 2020 pour permettre aux voyageurs dont le séjour a été annulé de bénéficier du droit de choisir le remboursement immédiat.
Avant que ces démarches arrivent à leur terme, les consommateurs peuvent contacter leur agence de voyages, tour-opérateur ou le service clients de la compagnie aérienne pour exiger un remboursement en numéraire, à la place de l’avoir imposé suite à l’annulation de leur vol ou séjour.
L’impact de la crise sanitaire sur l’état financier des compagnies aériennes
Le secteur aérien était déjà en situation difficile avant l’épidémie de Covid-19 (« Le secteur aérien en zone de turbulence »). La crise sanitaire a accru les difficultés financières des compagnies aériennes.
Selon les estimations de l’Association du transport aérien international (IATA) du 17 juin 2020, les compagnies aériennes européennes devraient perdre 21,5 milliards de dollars en 2020. Et pour les seules compagnies aériennes françaises, les pertes seraient 15,7 milliards de dollars selon les évaluations d’IATA Economics. « Les perspectives au niveau national se sont détériorées pour les principaux marchés de l’aviation en Europe depuis avril. Le nombre de passagers, les revenus des compagnies aériennes, les emplois à risque et les impacts sur le PIB pour les cinq plus grands marchés européens ont diminué dans toutes les mesures ».