La persistance de déficits et de la hausse continuelle de l’endettement
Les finances publiques françaises sont caractérisées par un déséquilibre permanent depuis le premier choc pétrolier de 1973. Les recettes des administrations publiques sont en effet systématiquement inférieures aux dépenses, ce qui se traduit par un déficit public. Les déficits successifs ont provoqué un creusement de la dette publique.
Représentant environ 20 % du PIB au début des années 1970, la dette publique était de 56 % en 1995. Elle s’est ensuite accrue de manière quasi continue pour atteindre 98,1 % en 2019.
Le choc du coronavirus a amplifié la tendance à la dégradation des finances publiques
Dans ce contexte, l’irruption de la pandémie de Covid-19 a provoqué un choc d’une ampleur considérable pour les finances publiques. Selon le scénario retenu dans la troisième loi de finances rectificative, la dette publique devrait atteindre 120,9 % du PIB en 2020 et le déficit 11 %, un niveau jamais égalé dans l’histoire française récente.
La récession pèse négativement sur l’ensemble des facteurs des ratios « dette publique sur PIB » et « déficit public sur PIB ». Elle risque, d’une part, de se traduire par un recul de 11,4 % du PIB pour l’année 2020 selon les estimations de l’OCDE. Cette diminution du dénominateur provoque une augmentation « mécanique » de ces ratios et donc de l’importance des déséquilibres publics par rapport au PIB. La récession provoque, d’autre part, une hausse des dépenses de l’Etat, destinées à atténuer l’impact de la crise économique et une baisse de ses recettes, notamment celles qui sont proportionnelles au niveau de l’activité économique.
Quel scénario de sortie de crise pour les finances publiques ?
Dans son rapport, la Cour des Comptes présente trois scénarios de sortie de crise pour les finances publiques.
Dans le plus optimiste, qualifié de « scénario de rattrapage », la croissance du PIB parvient, à terme, à retrouver pleinement sa trajectoire d’avant-crise. Un rebond de l’activité a lieu en sortie de crise permettant un retour au niveau de PIB d’avant-crise d’ici 2023.
Dans le second scénario, dit « de perte limitée », l’activité économique ne parvient pas à retrouver le niveau qui aurait été le sien sans la récession, mais retrouve sa trajectoire d’avant-crise.
Enfin, dans le troisième scénario, dit « de faiblesse persistante », la crise affecte durablement l’économie française et réduit la croissance potentielle à un niveau plus faible qu’avant le déclenchement de la crise. Cela s’explique par la destruction de capital et de compétences engendrée par de nombreux licenciements et faillites.
La croissance potentielle est la croissance maximale que peut atteindre une économie en utilisant au maximum ses capacités et sans accélération de l’inflation. Elle est liée à des éléments structurels tel l’investissement, l’innovation, la qualification de la population active.
Seul le scénario le plus favorable aboutit à une réduction de la dette publique : en 2030, elle serait d’environ 105 % du PIB. Le scénario intermédiaire, de rattrapage, conduit à une stabilisation de la dette autour de 120 % du PIB. Dans le dernier scénario, enfin, la dette pourrait atteindre 140 % du PIB à l’horizon 2030.
La possible remise en cause de la soutenabilité de la dette publique
Quel que soit le scénario de sortie de crise retenu, la soutenabilité des finances publiques françaises, c’est-à-dire la capacité, pour l’État, à honorer à terme ses engagements financiers, constituera un enjeu majeur des prochaines années, selon la Cour des comptes.
La remontée probable des taux d’intérêt, à l’heure actuelle historiquement bas, constitue une première menace. Selon l’Agence France Trésor (AFT), chargée de la trésorerie de l’État et de la gestion de la dette publique, la durée moyenne de la dette est légèrement supérieure à 8 ans. Afin de rembourser les titres de dette arrivant à échéance, l’AFT emprunte sur les marchés financiers.
La dette publique française est donc régulièrement renégociée, ce qui pourrait, si les taux d’intérêt augmentent, entraîner une augmentation des charges d’intérêt, en diminution depuis plus d’une décennie.
La Cour des comptes s’inquiète également du caractère structurellement croissant des dépenses publiques en France, notamment du fait du vieillissement de la population. Une telle situation est susceptible de mener à terme à une hausse de la pression fiscale susceptible d’affaiblir la dynamique de reprise.
Enfin, une dette publique élevée présente un risque puisqu’elle réduit les possibilités de l’État de faire face à une nouvelle crise, qu’elle soit économique et/ou sanitaire, dans les années à venir.