Les échanges commerciaux entre l’Union européenne et le Mercosur
Le Premier ministre, Jean Castex, a confirmé, vendredi 18 septembre, le rejet par la France de l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne (UE) et les pays du Mercosur. Cette décision vient donc mettre un terme à de longues négociations débutées en 1999 et destinées à faciliter les échanges commerciaux entre les deux zones géographiques.
Le Mercosur, ou « Marché commun du Sud », est une zone d’intégration économique régionale, née en mars 1991 avec le Traité d’Asuncion. Ce dernier établit la libre circulation des biens et services, ainsi que des citoyens au sein de la zone. Le Mercosur compte actuellement 5 pays membres : l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela, dont la participation est toutefois suspendue depuis décembre 2016.
L’Union Européenne importe des produits agricoles et alimentaires
Les pays du Mercosur constituent des partenaires commerciaux privilégiés de l’Union Européenne, notamment en matière agricole. En 2017, les importations européennes de produits agricoles et alimentaires en provenance des pays du Mercosur représentaient près de 23 milliards d’euros, soit 42 % du total des importations en provenance de cette zone.
L’Union Européenne exporte des produits manufacturés et des services
De son côté, l’Union Européenne exporte essentiellement des produits manufacturés et des services vers les pays du Mercosur. A eux seuls, ces deux postes représentaient, en 2017, plus de 85 % des exportations de l’UE vers les pays du Mercosur.
Afin de développer ces échanges commerciaux, le projet d’accord de libre-échange prévoyait notamment la suppression des droits de douane portant sur l’immense majorité des biens échangés entre l’UE et les pays du Mercosur. Malgré les progrès réalisés grâce au GATT et à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les barrières commerciales demeurent, en effet, élevées entre l’UE et les pays du Mercosur.
Par exemple, à l’heure actuelle, les voitures exportées par l’Union Européenne vers ces pays sont taxées à hauteur de 35 %, le vin l’est à 27 %, le chocolat à 20 %, etc.
Le coût d’un tel accord de libre-échange
En supprimant les droits de douane, le projet d’accord de libre-échange était porteur de gains économiques. Il aurait, en effet, permis aux consommateurs de deux zones géographiques d’accéder à des biens moins onéreux et aurait, ainsi, augmenté leur pouvoir d’achat. De même, les entreprises des deux zones géographiques y auraient trouvé des débouchés supplémentaires pour leurs productions.
Selon une étude commanditée par la Commission Européenne, les gains économiques attendus étaient, toutefois, relativement faibles.
Au total, l’accroissement du PIB est estimé, pour l’UE, entre 15 et 20 milliards d’euros, soit un gain maximal de 0,15 % du PIB.
Pour les pays du Mercosur, le gain économique total estimé était de l’ordre de 10 à 16 milliards d’euros, soit jusqu’à 0,3 % pour le Brésil, 0,7 % pour l’Argentine, 0,4 % pour l’Uruguay et 0,1 % du PIB pour le Paraguay.
Ces faibles gains économiques ne prennent pas en compte les coûts environnementaux, importants, générés par un tel accord.
La Commission d’évaluation du projet d’accord UE-Mercosur, mise en place par le Premier ministre et pilotée par Stefan Ambec, spécialiste de l’analyse des politiques environnementales, estime ainsi que l’accord de libre-échange aurait eu pour effet d’accroître les émissions annuelles de gaz à effet de serre de 4,8 à 6,8 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone, du fait de l’intensification des échanges entre les deux zones géographiques.
Cela représente un coût écologique, social et économique, estimé entre 1,2 et 1,7 milliard d’euros. Pire encore : selon la Commission, le développement des échanges commerciaux permis par cet accord de libre-échange aurait accéléré la déforestation en Amérique latine.
La production de viande bovine est, aujourd’hui, l’un des principaux facteurs de déforestation. L’augmentation des exportations de viande bovine des pays du Mercosur aurait ainsi rendu nécessaire l’utilisation de millions d’hectares de terres supplémentaires, lesquels auraient été essentiellement pris sur la végétation native.
Selon une estimation de la Commission Ambec, l’accord de libre-échange aurait accéléré le rythme de déforestation dans la région d’au moins 5 %.
A terme, l’accord aurait pu être responsable de près de la moitié de la déforestation annuelle moyenne dans la région.
C’est ce dernier argument qui semble avoir convaincu la France de s’opposer à ce projet d’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et les pays du Mercosur.