Comment les Français ont-ils épargné et consommé entre mars et août 2020, soit pendant les six mois de crise sanitaire ?
C’est à cette question que s’efforce de répondre l’étude du Conseil d’analyse économique (CAE), organisme public rattaché au Premier Ministre.
Consommation et épargne ont enregistré des dynamiques très contrastées durant la période considérée. Si l’épargne a été largement accumulée par les plus favorisés, les plus fragiles eux ont accru leur endettement. Comment dès lors soutenir les ménages les plus modestes en cas de « seconde vague » ?
L’étude utilise pour la première fois des données bancaires, anonymisées, communiquées par le Groupement des cartes bancaires et Crédit Mutuel Alliance Fédérale, à la fois sur les dépenses des ménages (achats par cartes bancaires, retraits d’espèces, chèques, prélèvements) et sur les soldes des comptes (compte courant, compte d’épargne, compte titre, assurance-vie, crédits).
Le rebond de la consommation ne compense pas la perte liée au confinement
L’étude montre que la consommation des ménages a rebondi rapidement à partir du déconfinement, retrouvant un niveau de consommation « normal », et même une légère augmentation de 0,7 % en terme annualisé lors de la semaine suivant la fin du confinement.
Mais elle montre surtout que ce rebond de la consommation ne compense « pas du tout » la perte de consommation liée au confinement, entre mars et août. Il y aurait même un léger essoufflement de la consommation en septembre.
C’est ce qui expose actuellement beaucoup d’entreprises à un risque de défaillance : il y a non seulement un risque de liquidité, mais aussi de solvabilité.
C’est notamment le cas pour le secteur des restaurants, des entreprises du spectacle et de la culture, qui ne bénéficie pas depuis le déconfinement du rattrapage de consommation dont a bénéficié en juillet et août le secteur des biens durables (automobile, informatique, équipement du ménage), après la forte chute durant le confinement.
Le surcroit très élevé d’épargne enregistre des mouvements contrastés
La période de confinement a enregistré une très forte accumulation d’épargne. Le Conseil d’analyse économique évalue à au moins 50 milliards d’euros ce surcroit d’épargne récolté à fin août.
Mais le CAE observe que cette forte dynamique de l’épargne traduit aussi des mouvements très contrastés entre les différents supports d’épargne.
Ainsi l’augmentation d’épargne concerne surtout l’augmentation des soldes des comptes courants, puis des comptes d’épargne et par une diminution de l’endettement, en revanche, l’assurance-vie est en net recul.
Plus les personnes sont aisées, plus leur consommation a baissé
Pendant le confinement, l’épargne accumulée a été principalement le fait des ménages les plus aisés (les 9e et 10e déciles soit respectivement 3 252 et 4 826 euros de dépenses par mois). Sur les 50 milliards d’euros de surplus (fin août), les ménages les plus aisés ont épargné 32 milliards d’euros : c’est-à-dire que 70 % du surcroit d’épargne a été réalisé par 20 % des ménages.
Dans cette étude du CAE, la distribution des ménages est effectuée à partir de leurs dépenses de consommation, calculées à partir des paiements par carte bancaire et chèque et des retraits d’espèces. Ainsi, le premier décile correspond au montant maximal de dépenses des 10 % des consommateurs les moins dispendieux.
En fin de période de confinement, les ménages les plus aisés ont ainsi épargné très au-dessus de la normale et baissé leur endettement.
En revanche, les ménages les plus modestes (1er décile soit une dépense de consommation maximale de 246 euros par mois) ont épargné très en dessous de la normale, réduit leur consommation, voire accru leur endettement. Un rebond est toutefois intervenu durant l’été.
Les ménages modestes plus exposés lors d’une « seconde vague » de l’épidémie
Au total, la période de confinement a profondément modifié les comportements d’épargne et de consommation. Depuis le début du déconfinement, on ne peut pas parler d’un retour progressif à la normale.
Par contre, en cas de forte « seconde vague », le risque de chute de revenu pèse fortement sur les ménages les plus modestes. Les auteurs de l’étude suggèrent qu’un « soutien beaucoup plus franc aux ménages les plus modestes, plus exposés aux conséquences économiques des mesures sanitaires, va très rapidement s’avérer nécessaire ».