Changement de direction à la BERD
Le conseil des gouverneurs de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a désigné, jeudi 8 octobre, Odile Renaud-Basso, comme la prochaine présidente, pour une durée de quatre ans. Cette dernière remplacera dans le courant du mois de novembre le président démissionnaire, Suma Chakrabarti.
Directrice générale du Trésor depuis juin 2016, Odile Renaud-Basso sera la première femme à diriger la BERD et succédera ainsi à six hommes, dont trois Français : Jacques Attali (1991-1993), Jacques de Larosière (1993-1998) et Jean Lemierre (2000-2008).
Institution internationale créée en mai 1990, la BERD avait pour mission initiale de favoriser, suite à l’effondrement du bloc de l’Est, la transition des économies des pays d’Europe centrale et orientale vers une économie de marché et à y encourager l’initiative privée et l’esprit d’entreprise. De nos jours, son mandat est plus large : elle accompagne, notamment à travers le financement de projets, plus de 40 économies émergentes situées autour de la Méditerranée, en Europe centrale et orientale et en Asie centrale. En 2018, la BERD a ainsi participé au financement de 395 projets dans 38 pays pour un montant total de 9,5 milliards d’euros.
De manière unique pour une banque de développement, la BERD dispose d’un mandat politique : elle ne finance des projets que dans des pays « engagés à respecter et mettant en pratique les principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de l’économie de marché ».
L’impact de la pandémie de Covid-19 dans les régions d’opération de la BERD
Les pays où la BERD opère connaissent, à l’instar de la quasi-totalité du globe une récession économique d’une ampleur historique. Dans une étude publiée le 1er octobre, les prévisionnistes de la BERD estiment que les économies de ces régions subiront en moyenne un recul de 3,9 % de leur activité économique en 2020.
Le pays le plus touché est le Liban, pour lequel les experts s’attendent à un recul du produit intérieur brut (PIB) de l’ordre de 22 %. Outre la pandémie de Covid-19, le Liban subit, en effet, les conséquences désastreuses de l’explosion du port de Beyrouth d’août dernier.
A côté, le Tadjikistan et le Turkménistan, avec une perte d’activité prévue de « seulement » -1 % pour 2020, font figure d’économies particulièrement résilientes face au choc provoqué par la pandémie. L’Egypte, quant à elle, devrait être le seul pays à connaître une croissance positive estimée à 1 %.
Dans le cas spécifique des pays où la BERD est active, plusieurs facteurs liés à des sources extérieures de revenus peuvent expliquer l’ampleur de la récession. Tout d’abord, certains pays, comme la Grèce et la Croatie, subissent une forte baisse d’activité dans le secteur touristique.
Entre janvier et juin 2020, ils ont compté 65 % de moins de touristes étrangers qu’au cours des six premiers mois de l’année précédente. De plus, la demande mondiale s’est fortement réduite, ce qui impacte négativement le volume des exportations de ces pays. Enfin, ces pays sont confrontés à une diminution des envois de fonds de travailleurs émigrés vers leur pays d’origine. Ces transferts peuvent représenter une part significative du PIB des économies émergentes ou en voie de développement.
A titre d’exemple, les envois de revenus d’émigrés depuis la Russie vers l’Asie centrale, l’Europe de l’Est et le Caucase ont diminué de plus de 29 % au cours du second trimestre 2020.
L’action de la BERD dans la pandémie de Covid-19
Outre le suivi macroéconomique des pays où elle est active, la BERD a mis en place des politiques spécifiques, afin, d’une part, de lutter contre les effets économiques négatifs de la pandémie de Covid-19 et, d’autre part, de continuer à promouvoir la résistance aux chocs externes.
Elle développe, tout d’abord, un « paquet de solidarité » proposant des solutions de financement permettant à ses clients réguliers de faire face à des besoins de liquidité et de fonds de roulement. Le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) constitue un autre aspect de ce paquet. L’objectif poursuivi ici est celui d’accompagner temporairement les entreprises de ces pays afin de sauvegarder l’emploi et le tissu industriel. Près de 4 milliards d’euros ont, d’ores et déjà, été alloués à ce paquet de solidarité.
La BERD cherche notamment à promouvoir la résilience des économies, définie de la manière suivante : « une économie de marché résiliente favorise la croissance, tout en évitant de subir une volatilité excessive et des retournements durables de l’activité économique ».
Outre ce paquet de solidarité, la BERD a intensifié son activité de conseil aux entreprises et aux pouvoirs publics.
Dernier exemple en date : la BERD a accompagné un fournisseur de contenus éducatifs en Ouzbékistan dans la création de plateformes digitales favorisant les interactions entre professeurs et étudiants et permettant d’assurer la continuité des cours pendant la période de confinement.
Autre exemple : dans le cadre de ces services de conseil, la BERD a participé à la formation de près de 8 000 employés aux nouvelles mesures sanitaires de PME de Jordanie afin de permettre la reprise des activités touristiques dans de bonnes conditions sanitaires.
Enfin, la BERD a poursuivi son activité de syndication de prêts. Lorsque les ressources financières nécessaires pour l’aboutissement d’un projet sont élevées ou que la BERD ne souhaite assumer seule un financement, elle peut réunir autour d’elle d’autres établissements bancaires dans le cadre d’un « syndicat ».
Cette pratique lui permet de mobiliser davantage de fonds grâce à des capitaux externes apportés par ces co-financeurs. L’intérêt pour les pays bénéficiant des prêts syndiqués est une réduction du coût du financement. En effet, la position de créditeur privilégié de la BERD permet, dans une certaine mesure, de réduire le risque associé à chaque pays et donc le taux d’intérêt. Un prêt syndiqué récent d’un montant de 55 millions de dollars devrait, par exemple, permettre à l’exploitant d’une usine biélorusse de concassage de graines de restructurer son bilan et de procéder à la construction d’une chaufferie biomasse, ce qui réduira en outre les émissions de gaz à effet de serre.