Les deux lauréats du prix Nobel, deux spécialistes de la théorie des enchères
Robert Wilson, né en 1937, est un économiste américain et professeur à l’université de Stanford, où il a effectué la plus grande partie de sa carrière. Né en 1948, Paul Milgrom, lui aussi économiste américain, est un ancien doctorant de Robert Wilson. Paul Milgrom a successivement enseigné aux universités Northwestern, Yale et Stanford. Le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel leur a été décerné, lundi 12 octobre, pour avoir « amélioré la théorie des enchères et inventé de nouveaux formats d’enchères ». R. Wilson et P. Milgrom succèdent ainsi à Esther Duflo, Abhijit Banerjee et Michael Kremer, récompensés en 2019 pour leurs travaux ayant contribué à « améliorer la capacité à lutter contre la pauvreté dans le monde ».
Le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel n’est qu’improprement désigné sous le terme de « prix Nobel d’économie ».
La théorie des enchères est l’une des branches les plus prolifiques de la microéconomie. Elle a connu de forts développements au cours des dernières années, notamment du fait de l’utilisation de la théorie des jeux et de l’extension considérable du domaine des enchères. De nos jours, ce mécanisme de révélation des prix n’est plus seulement utilisé par les gouvernements dans l’adjudication de leurs titres de dette ou dans le marché de l’art, comme c’était le cas historiquement.
Que l’on pense à certains sites internet spécialisés comme Ebay, à la commercialisation des droits de diffusion d’évènements sportifs ou encore à l’attribution de licences de fréquences dans la téléphonie mobile, les enchères sont largement présentes dans nos économies contemporaines.
Un exemple d’application des travaux de Wilson et Milgrom
La théorie des enchères, comme l’immense majorité des travaux en économie de nos jours, a largement recours à la formalisation mathématique, ce qui rend sa vulgarisation complexe. Nous présentons ci-dessous une des applications empiriques des travaux de Wilson et Milgrom.
Au début des années 1990, la Commission fédérale des communications, chargée, aux États-Unis, de réguler les télécommunications et le contenu des émissions de radio et de télévision, cherchait à attribuer de nouvelles licences pour faire face à l’explosion de la demande de communication mobile. Jusqu’à cette date, l’attribution de licences se faisait sur la base de longues auditions, coûteuses en temps et à l’issue incertaine, ou de tirages au sort, qui ne garantissaient pas la plus grande efficacité économique possible.
Il fut alors décidé d’avoir recours à un système d’enchères. Relativement simple à mettre en œuvre, ce dernier devait permettre de maximiser les recettes perçues par l’Etat.
Le système d’enchères devait également répondre à un impératif concurrentiel : une compétition forte entre les différents détenteurs des licences était considérée par la Commission comme une condition nécessaire pour assurer de hauts revenus à l’Etat, ainsi qu’une bonne qualité de service aux consommateurs. Wilson et Milgrom ont alors contribué à mettre en place un système d’enchères ascendantes à plusieurs tours.
Chaque participant devait, pour poursuivre les enchères, faire une offre jugée crédible pour au moins l’un des lots mis en vente. Dans un premier temps, les prix étaient relativement faibles, mais augmentaient à chaque tour. A la fin de chaque tour, un vainqueur provisoire est désigné pour chaque objet. Le processus s’est répété jusqu’à ce que les enchères cessent pour tous les objets. Les vainqueurs provisoires du dernier tour se voient attribuer les objets.
Ce système d’enchères a permis à la Commission fédérale des communications d’engranger, en 1994, pour le compte du gouvernement américain, près de 20 milliards de dollars, soit deux fois plus que le montant initialement anticipé.