Une économiste néo-keynésienne reconnue
Diplômée de l’Université Yale, Janet Yellen est, tout d’abord, une économiste reconnue. Au cours des années 1980, ses recherches ont, en effet, contribué à l’émergence de l’école dite de la « nouvelle économie keynésienne ». Cette dernière cherche à fonder à l’aide de modèles microéconomiques, c’est-à-dire basés sur les décisions des agents économiques, certaines des thèses macroéconomiques de John M. Keynes.
Les « poissons d’eau de mer » contre les « poissons d’eau douce »
Depuis les années 1970, la macroéconomie s’est structurée principalement autour de deux écoles de pensée : la nouvelle école classique et la nouvelle économie keynésienne. L’un des points de débat les plus importants porte sur la vitesse d’ajustement des prix pour parvenir à un équilibre de marché. Pour les économistes de la nouvelle école classique, surnommés les « poissons d’eau douce » par l’économiste Robert E. Hall, car ils sont majoritairement rattachés à des universités américaines présentes à l’intérieur des terres, les prix s’ajustent en permanence sur les marchés, de sorte que ces derniers soient toujours en équilibre. Pour les économistes de la nouvelle économie keynésienne, désignés comme les « poissons d’eau de mer » car ils travaillent en majorité dans des universités situées sur les côtes Est et Ouest américaines, il existe, au contraire, des rigidités empêchant les marchés d’atteindre l’équilibre.
L’existence de rigidités nominales des prix
Dans un article célèbre paru en 1985, Janet Yellen et George Akerlof, futur Prix Nobel d’économie, montrent qu’il existe des rigidités empêchant les prix de s’ajuster immédiatement aux variations de la demande et/ou des coûts de production.
Pour cela, les deux auteurs prennent l’exemple des menus dans les restaurants. Les prix sont fixés par les restaurateurs et ne sont modifiés que lorsque les changements de prix y sont suffisamment importants. En effet, changer les prix génère des coûts, comme par exemple la réimpression des menus.
D’une manière générale, si les prix ne s’ajustent pas instantanément, alors le marché n’est pas aussi efficient que le pensent les économistes de la nouvelle école classique, ce qui justifie que l’État mène des politiques économiques conjoncturelles.
La théorie du salaire d’efficience
Un deuxième apport essentiel de J. Yellen réside dans le développement de la théorie du salaire d’efficience. Dans deux articles, le premier publié en 1984, le second en 1986 écrit avec G. Akerlof, elle critique le fonctionnement du marché du travail tel qu’il est décrit par les économistes classiques. Pour ces derniers, le marché du travail est un marché comme les autres.
Aussi, le prix sur ce marché, c’est-à-dire le salaire, s’ajuste en permanence pour rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande de travail. Dans les modèles construits par Yellen, au contraire, la productivité d’un employé dépend du salaire. Dans ce contexte, les entreprises n’ont pas intérêt à réduire les salaires, afin de ne pas dégrader leur productivité, même en cas de fluctuations de la demande de travail.
L’ajustement sur le marché du travail s’effectue alors via une modification des quantités : en cas de variations de la demande de travail, les entreprises modifieront plutôt le nombre de postes qu’elles offrent plutôt que le salaire de leurs employés. Il s’ensuit qu’une économie peut, dans ces conditions, être durablement caractérisée par du chômage.
Les expériences au sein de Banques centrales américaines
Yellen est également connue pour le rôle important qu’elle a tenu au sein de la FED, la Banque centrale américaine. Elle a, tout d’abord, été présidente d’une des douze banques régionales de la Réserve fédérale, la FED de San Francisco, entre 2004 et 2010. Elle est ensuite devenue vice-présidente de la Réserve fédérale des Etats-Unis, la FED, entre 2010 et 2014, et a été, enfin, nommée comme présidente de la même institution par B. Obama. Elle devient ainsi, en 2014, la première femme à diriger l’institution en charge de la conduite de la politique monétaire américaine.
Lorsque J. Yellen prend la tête de la FED, de nombreux débats quant à la politique monétaire à mener agitent les économistes. La FED a pratiqué une politique monétaire particulièrement accommodante à la suite de la crise des subprimes en réduisant ses taux directeurs et en utilisant des mesures non conventionnelles, appelées quantitative easing. La question posée est alors celle de la normalisation de l’activité de la FED.
Deux approches s’opposent. D’une part, ceux que l’on surnomme les « faucons » plaident pour un retour rapide à une politique monétaire stricte, afin de maintenir l’inflation à un niveau faible.
Les « colombes », d’autre part, sont favorables à une politique monétaire plus accommodante et à un retour graduel aux mesures d’avant-crise.
J. Yellen était de ceux-là en arrivant à la tête de la FED. Entre 2014 et 2018, elle a ainsi pris garde à ne pas revenir trop rapidement sur les moyens mis en œuvre après la crise de 2008. Les taux directeurs de la FED ont dès lors été progressivement augmentés, passant d’une fourchette de 0,25-0,5 % en décembre 2015 à 2-2,25 % en septembre 2018. Si sa nomination est confirmée par le Sénat américain, J. Yellen aura un nouvel après-crise à gérer, cette fois-ci en tant que Secrétaire du Trésor.