Covid-19 : quelle ampleur pour les plans de relance menés en Europe ?
De manière schématique, les pouvoirs publics peuvent intervenir sur la conjoncture économique en utilisant deux types d’instruments : la politique monétaire, d’une part et la politique budgétaire, d’autre part.
Au sein de la zone euro, la politique monétaire est menée, de façon unique, pour l’ensemble des pays membres, par la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci a notamment réagi, dès mars 2020, en réactivant son programme d’achats de titres, lui permettant d’injecter des liquidités dans l’économie et d’assouplir ainsi les conditions de crédit auxquelles sont confrontés les agents économiques tant privés, comme les entreprises, que publics, comme les États.
La politique budgétaire est, quant à elle – au moins à ce stade -, propre à chaque État. Elle consiste à augmenter les dépenses publiques et/ou à réduire les recettes de l’État, afin de relancer l’économie ou du moins atténuer les effets d’une récession. Le dernier rapport du Conseil national de productivité permet de comparer les politiques budgétaires menées dans 6 pays européens : la France, l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Italie.
Composé de onze économistes, le Conseil national de productivité (CNP) a été institué en 2018 pour répondre à une recommandation du Conseil de l’Union Européenne. Son rôle est « d’analyser les déterminants et les évolutions de la productivité et de la compétitivité en France en tenant compte notamment des aspects liés à la zone euro ».
A l’instar de la quasi-intégralité des nations du globe, ces 6 pays ont connu une forte récession au cours de l’année 2020. Selon des données encore provisoires, publiées en décembre dernier par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), ce groupe de 6 pays devrait connaître un recul de son produit intérieur brut (PIB) de 8,5 % en moyenne. Ce chiffre cache de fortes disparités selon les économies. Ainsi, la chute de l’activité économique devrait atteindre 11,6 % en Espagne contre, « seulement », 4,6 % aux Pays-Bas. Il s’agit, quoi qu’il en soit, d’une récession d’une ampleur sans équivalent dans l’histoire moderne de ces économies.
Devant cette crise, chacun de ces 6 pays a réagi en utilisant des outils de politique budgétaire. Ceux-ci sont de deux types. Le rapport du CNP distingue, en effet :
- les mesures d’urgence, d’une part, dont le but est de protéger l’appareil productif et
- les mesures de relance, d’autre part, destinées à stimuler l’économie.
La France, avec des mesures budgétaires représentant 184,6 milliards d’euros (93,1 pour les mesures d’urgence et 91,5 pour les mesures de relance) soit 7,6 % du PIB, se situe dans une moyenne basse au sein de ce groupe de 6 pays. En termes absolus, c’est l’Allemagne qui domine ce classement avec des mesures annoncées approchant les 290 milliards d’euros. Les Pays-Bas ferment la marche avec 62,5 milliards d’euros de dépenses supplémentaires annoncées.
Il importe toutefois de mettre en relation les montants annoncés avec la taille de l’économie concernée. Un plan de 100 milliards d’euros n’aura, par exemple, pas le même impact si un pays génère chaque année une richesse de 1000 ou de 10 000 milliards d’euros. En termes relatifs, les mesures d’urgence et de soutien annoncées en France représentent 7,6 %, soit un niveau à peu près équivalent à celui des Pays-Bas. Dans ce contexte, l’effort fourni par l’Espagne (11,1 % de son PIB) apparaît comme largement supérieur. En dernière position figure l’Italie dont les mesures budgétaires annoncées ne représentaient que 3,8 % de son PIB.
Plans de relance en Europe : politiques d’offre ou de demande ?
Le rapport du CNP permet également d’apprécier si les plans de relance mis en œuvre dans ces pays européens relèvent davantage d’une politique de la demande, ou au contraire d’une politique de l’offre. Des mesures ciblées vers la demande, comme par exemple l’augmentation des minima sociaux décidée au Royaume-Uni, vise à stimuler l’économie, via une relance de la demande des ménages principalement. Une politique de l’offre est, quant à elle, orientée vers les entreprises et ambitionne d’agir sur l’activité économique grâce à la restauration des marges et de l’investissement de celles-ci.
Les aides et subventions en faveur des entreprises contraintes de fermer leurs portes suite aux mesures sanitaires entrent, par exemple, dans cette dernière catégorie.
Comme évoqué par certains économistes lors de sa présentation par le gouvernement en septembre dernier https://www.lafinancepourtous.com/2020/09/15/pandemie-de-covid-19-presentation-du-plan-de-relance-francais/, le plan de relance français fait la part belle à l’offre. Le CNP calcule, en effet, que près de 58 % des mesures qu’il contient relèvent d’une politique de l’offre. Le pari du gouvernement est qu’il est plus utile pour la reprise économique de viser à améliorer l’investissement des entreprises et à faciliter les nouvelles embauches, plutôt que de stimuler la consommation des ménages.
D’autres pays européens ont, en revanche, fait des choix différents. C’est le cas notamment des Pays-Bas et du Royaume-Uni qui consacrent respectivement 89 % et 67 % de leurs plans de relance respectifs à des mesures orientées vers la demande. A mesure que ces plans de relance seront mis en œuvre – ils contiennent généralement des mesures étalées sur plusieurs années –, il sera intéressant d’évaluer leur efficacité relative sur la reprise de l’activité économique dans ces pays.