L’analyse d’impact conduite en 2020 par le HCSF sur l’application de la recommandation de 2019 par les établissements de crédit et son efficacité pour garantir la solidité du système de financement de l’habitat a conduit le HCSF à annoncer trois mesures d’ajustements à partir de 2021 qui pourraient apparaitre comme assouplissant les conditions d’octroi du crédit immobilier. La réalité est sans doute plus nuancée. Décryptage.
Le Haut Conseil de Stabilité Financière
Le HCSF est l’autorité en charge de la surveillance du système financier, de l’examen des risques et des vulnérabilités qui peuvent affecter la stabilité, le financement de l’économie et le fonctionnement du système financier français. A cet effet, il formule des avis et des recommandations à destination des acteurs du système financier et produit un rapport annuel.
Présidé par le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, le HCSF peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, fixer par exemple des critères d’octroi de crédit s’il considère qu’il y a un risque de dégradation de la situation financière.
Rappel de la recommandation du HCSF du 20 décembre 2019
Dans le cadre de sa mission, le HCSF avait pris fin décembre 2019 une recommandation sur les conditions d’octroi du crédit immobilier. Adressée aux établissements de crédit, elle est présentée comme une « bonne pratique » dès lors qu’il y a la prise en compte conjoint de deux critères d’octroi :
- Le taux d’effort des emprunteurs ne doit pas excéder 33 %,
- La maturité du crédit ne doit pas excéder 25 ans.
Le « taux d’effort » correspond au ratio suivant :
- charges annuelles d’emprunt associées à l’endettement total de l’emprunteur (ou des co-emprunteurs, le cas échéant) /
- revenus annuels de l’emprunteur (ou des co-emprunteurs).
La « maturité » est définie comme la durée initiale du contrat de crédit immobilier, en années, calculée à partir du premier décaissement.
Un troisième critère avait été ajouté par le HCSF, à savoir une « marge de flexibilité » fixée à 15 % de la production trimestrielle de crédits pouvant s’écarter de ces deux critères sans appeler de justification particulière.
Il précise que 75 % de cette flexibilité est réservée à l’acquisition de résidences principales, notamment par des primo-accédants : l’objectif étant de ne pas restreindre l’accès au crédit pour les primo-accédants (dont certains disposent de revenus modestes).
En émettant cette recommandation, les objectifs poursuivis par le HCSF étaient de rappeler aux établissements distributeurs les « pratiques saines » qui ont donné sa stabilité au modèle de financement français de l’habitat :
- de préférence des taux d’intérêt fixes,
- des maturités de crédit immobilier « raisonnables », au maximum de 25 ans et
- une analyse sérieuse de la capacité de remboursement des emprunteurs.
Alors que l’année immobilière 2019 se terminait par des niveaux de production exceptionnels, notamment dans le marché de l’ancien, dopé par les investissements locatifs, le HCSF rappelait ainsi aux établissements bancaires sa compétence pour préconiser des ajustements dans les conditions d’octroi.
L’analyse d’impact conduite par le HCSF en 2020
L’analyse d’impact a montré que globalement le marché a amorcé son adaptation à la recommandation : entre le début de 2020 et fin octobre, on constate une baisse de la production de crédits présentant un taux d’effort supérieur à 33 % et également une baisse de la production de crédits dont la maturité est supérieure à 25 ans.
De sorte que la recommandation de 2019 ne semble pas avoir été perturbée dans son application par la survenance en mars de l’épidémie. Presqu’indépendamment de la crise sanitaire, les établissements distributeurs se sont adaptés progressivement durant l’année à la recommandation.
Cependant, cette adaptation ne s’est pas traduite par des restrictions fortes d’accès au crédit immobilier.
Le bilan 2020 dressé par le HCSF, confirmant les statistiques des professionnels de l’immobilier et des notaires, montre au contraire que :
- la production de crédit immobilier a été très dynamique en 2020 (supérieure à 2017 et 2018), favorisée par des taux bas et des renégociations importantes (à noter que ces renégociations ont davantage porté sur des allégements ponctuels justifiés pour les ménages par les impacts économiques de la crise que sur les taux),
- l’encours de crédits des ménages a poursuivi sa progression : + 5,5 % soit 1 124,6 Md€ en octobre,
- le marché de l’ancien a poursuivi sa dynamique : pénalisé par le premier confinement, il s’est redressé depuis (mais si les prix sont à la hausse, le rythme de progression est moins fort que celui d’avant la crise),
- en revanche, sur les marchés du neuf, des mises en chantier et de la promotion, on constate une atonie persistante, orientée à la baisse depuis fin 2017.
Les trois ajustements du HCSF présentés fin décembre 2020
Sur la base de son analyse d’impact et en prenant en compte le dynamisme de la production de crédit malgré la crise sanitaire, le HCSF a préconisé trois ajustements à la recommandation de 2019 :
- le taux d’effort maximum passera de 33 % à 35 %, compte tenu des pratiques constatées sur le calcul du taux d’effort,
- la durée maximale d’un prêt reste fixée à 25 ans, mais un différé d’amortissement dans une limite de 2 an sera pris en compte pour intégrer des opérations immobilières spécifiques, comme les ventes en l’état futur d’achèvement ou les contrats de construction de maisons individuelles,
- la marge de flexibilité de la production d’un établissement distributeur est portée de 15 % à 20 % et cette marge sera davantage ciblée sur la primo-accession.
Ne pas oublier que plus la durée d’un crédit est longue, plus le coût des intérêts est élevé.
Répondant aux critiques de certains selon lesquels la recommandation de 2019 avait exclu des Français du crédit immobilier, M. François Villeroy de Galhau souligne (entretien à Radio Classique du 18/12/20) qu’au contraire « la croissance du crédit immobilier est restée significative en 2020 » et que s’il y a eu un effet confinement, celui-ci n’était aucunement lié à la recommandation.
Pour le gouverneur de la Banque de France, « il ne s’agit pas de rendre le crédit plus facile ou plus difficile d’accès, il s’agit de le rendre plus sûr ».