Démission du ministre des Finances colombien
Après cinq jours de violentes protestations, ayant entraîné la mort de 19 personnes selon le décompte officiel, le ministre des Finances colombien, Alberto Carrasquilla, a présenté sa démission lundi 3 mai 2021. Celle-ci intervient donc dans un contexte tendu et fait suite à la décision d’Ivan Duque, le président de la Colombie, de retirer le projet de réformes fiscales porté par A. Carrasquilla.
Ce projet prévoyait notamment d’augmenter les recettes fiscales, grâce à la suppression de plusieurs exemptions de TVA, à la taxation des pensions de retraite et à la réduction du seuil supérieur de la première tranche d’imposition sur le revenu. Au total, un gain de près de 6 milliards de dollars, soit environ 2 % du produit intérieur brut (PIB), était attendu. Le projet était hautement impopulaire : environ 80 % de la population s’y opposait. Ce rejet intervient alors que la population colombienne a particulièrement souffert de la pandémie de Covid-19 et des restrictions sanitaires adoptées pour la contenir.
Les emprunts de la Colombie sont, actuellement, notés « BBB- » par l’agence de notation Fitch. Celle-ci a d’ores et déjà annoncé que l’abandon du projet de réformes fiscales pourrait conduire à une dégradation de cette notation.
Selon le gouvernement colombien, le projet porté par A. Carrasquilla était rendu nécessaire pour parvenir au rétablissement des comptes publics, fortement dégradés par la pandémie de Covid-19. En 2020, alors que le PIB colombien a reculé de 6,8 %, le déficit public a atteint 7,8 % du PIB. En l’absence de réformes, le gouvernement colombien prévoit que le déficit public sera, en 2021, de 9,1 % du PIB, malgré le retour de la croissance économique. Fin 2019, la dette publique de la Colombie s’élevait à 57,2 % du PIB et certains observateurs estiment qu’elle pourrait rapidement atteindre des seuils beaucoup plus élevés et devenir insoutenable.
Soutenir l’économie ou rétablir les comptes publics : le dilemme de nombreux pays
L’exemple de la Colombie illustre un dilemme auquel sont confrontées, depuis le déclenchement de la pandémie de Covid-19, de nombreuses économies à revenus intermédiaires, dotées de moins de ressources que les pays à haut revenu :
- D’un côté, ces pays pourraient vouloir soutenir l’activité économique grâce, par exemple, à une politique de relance budgétaire, afin d’atténuer les conséquences négatives de la crise économique actuelle, quitte à provoquer une dégradation des finances publiques. Dans ce contexte, ces pays peuvent craindre de voir les investisseurs internationaux fuir, la notation de leurs emprunts baisser et, in fine, de ne plus pouvoir faire face à leurs engagements budgétaires.
- A l’inverse, ces pays pourraient être tentés de rétablir l’équilibre des comptes publics, avec une politique d’austérité passant par une augmentation des recettes fiscales et/ou une diminution des dépenses publiques, afin de rassurer les investisseurs internationaux, mais au détriment de l’activité économique.
Trouver l’équilibre entre ces deux politiques est un exercice particulièrement délicat et devrait occuper l’esprit de nombreux ministres des Finances dans les mois à venir.
La Banque mondiale classe les pays en trois catégories selon leur niveau de revenu national brut par habitant :
- les pays à faible revenu, pour lesquels le revenu national brut par habitant est inférieur à 1 035 dollars,
- les pays à revenu intermédiaire, disposant d’un revenu national brut par habitant supérieur à 1 035 dollars et inférieur à 12 535 dollars.
- les pays à haut revenu, où le revenu national brut par habitant est supérieur 12 535 dollars.