La déflation japonaise
La reprise économique s’est accompagnée d’un « retour de l’inflation ». Phénomène temporaire ou non – la question divise les économistes -, il touche la plupart des pays développés. Ainsi, les États-Unis ont enregistré en octobre 2021 une augmentation des prix, en rythme annuel, de 6,2 % selon les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En Europe, l’inflation est moins forte (3,4 % en zone euro en septembre 2021) mais dépasse sensiblement son niveau d’avant la crise économique liée au Covid-19.
Le Japon constitue une exception notable au sein de ce paysage. L’archipel traverse en effet, depuis le début de l’année 2021 une nouvelle phase de déflation, caractérisée par une baisse du niveau général des prix. Depuis janvier, l’inflation a été, en moyenne, de – 0,5 % en rythme annuel.
Le constat est encore plus marqué si l’on s’intéresse à l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire à l’évolution des prix hors alimentation et énergie. Elle mesure la tendance de fond de l’évolution des prix, puisqu’elle exclut les biens dont les prix sont les plus volatils, comme le prix du gaz ou le prix de l’essence.
En octobre dernier, elle a atteint 4,6 % en rythme annuel aux États-Unis, 2,9 % en Allemagne et 1,1 % en France, tandis qu’elle était de – 0,7 % au Japon en septembre (dernier chiffre connu).
Les raisons de l’exception japonaise en matière d’inflation
Plusieurs explications peuvent être avancées pour rendre compte de l’exception japonaise en matière d’inflation :
Les anticipations d’inflation
Le Japon connaît une situation structurelle de stagnation, voire de baisse des prix, depuis le début des années 1990. Depuis 1994, l’inflation mesurée en rythme annuel n’a jamais dépassé, de manière durable, le seuil de 1 %, malgré la conduite d’une politique monétaire particulièrement accommodante par la Banque du Japon (voir encadré). Cette dernière prévoit, d’ailleurs, que le taux d’inflation n’atteindra que 1 % en 2023.
Dans ce contexte, les agents économiques anticipent une faible inflation pour le Japon, ce qui revêt un caractère autoréalisateur. Ce phénomène est accentué par la réticence de nombreuses entreprises japonaises à augmenter leur prix de vente, par peur de la réaction des consommateurs.
La faiblesse de la reprise de la consommation
Malgré la reprise économique, les dépenses de consommation finale restent, au Japon, inférieures de près de 3,6 % au deuxième trimestre 2021 par rapport à son niveau d’avant-crise. La faiblesse de la consommation, et donc de la demande, a un effet désinflationniste pour l’économie nippone.
Faible contribution de la politique monétaire à la hausse des prix au Japon
L’expérience japonaise est également intéressante puisqu’elle montre que les politiques monétaires particulièrement accommodantes menées par les Banques centrales ne se traduisent pas par une forte hausse des prix, contrairement aux craintes exprimées par certains observateurs lors de leur mise en place.
La Banque du Japon a été l’une des premières Banques centrales au monde à adopter des taux d’intérêt directeurs proches de 0 et à mettre en place une politique d’assouplissement quantitatif.
Ces mesures ont été massives : la taille du bilan de la Banque du Japon représente aujourd’hui plus de 130 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. À titre de comparaison, la Réserve Fédérale détient des actifs d’une valeur équivalente à 36 % du PIB américain.
Malgré leur ampleur, les mesures mises en œuvre par la Banque du Japon n’ont eu qu’un effet faible sur le niveau des prix des biens et services.