Deux constats principaux se dégagent du dernier rapport du Secours Catholique – Caritas France sur l’état de la pauvreté en France : l’année 2020 a été marquée, d’une part, par un fort accroissement de la demande d’aide alimentaire et, d’autre part, par une aggravation de la situation des personnes les plus pauvres.
Un fort accroissement de l’aide alimentaire
Après l’écoute et le conseil, la demande d’aide alimentaire représente le premier besoin exprimé par les personnes accueillies par le Secours Catholique. La demande d’aide alimentaire concerne, en effet, 54 % des ménages que l’association assiste. Il arrive même régulièrement à 27 % de ceux-ci de ne prendre aucun repas de la journée.
L’analyse du Secours Catholique porte sur 777 000 personnes aidées en 2020, soit une nette diminution par rapport à 2019 (1,4 million de personnes) du fait des confinements et des autres contraintes liées à la pandémie de Covid-19.
Le Secours Catholique estime qu’environ 7 millions de personnes au total, soit près de 10 % de la population française, auraient eu recours à l’aide alimentaire en 2020 auprès des différentes instances caritatives, comme, outre la Secours Catholique, le Secours Populaire, les Restos du Cœur, l’Armée du Salut, etc. Ce chiffre représente une augmentation comprise entre 15 et 20 % par rapport à 2019.
Les causes de l’accroissement de la demande d’aide alimentaire
La précarité alimentaire a été accentuée par la fermeture des cantines scolaires et, dans une moindre mesure, par l’augmentation des dépenses liées à l’énergie.
Les types de personnes concernées par l’aide alimentaire
La demande d’aide alimentaire progresse pour tous les types de ménages accueillis par le Secours Catholique.
Près de 56 % des Français accueillis par le Secours Catholique ont ainsi formulé une demande d’aide alimentaire en 2020, contre 53 % pour 2018 et 2019. Même constat pour les personnes étrangères : 53 % des personnes étrangères et originaires d’un pays de l’Union Européenne (UE) formulaient une demande d’aide alimentaire (+ 1 point de pourcentage par rapport à 2018 et 2019). Ce chiffre est de 51 % pour les personnes étrangères nées hors UE (+ 4 points de pourcentage) et de 53 % pour les sans papiers (+ 2 points de pourcentage).
Près de 60 % des personnes accueillies par le Secours Catholique sont des femmes. En particulier, les familles monoparentales (avec prépondérance de mères élevant seules leurs enfants) sont surreprésentées par rapport à la population générale (3 fois plus).
La moitié des personnes ayant demandé de l’aide alimentaire auprès du Secours Catholique a, enfin, moins de 40 ans. La crise sanitaire a notamment accru la demande d’aide alimentaire des jeunes de moins de 25 ans (+ 6 points de pourcentage). Ils représentent aussi 50 % des bénéficiaires des Restos du Cœur. Ceci conforte les conclusions d’une autre étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui conclut à la probable aggravation de certaines situations de pauvreté, notamment due à la perte de sources habituelles de revenus informels (payés en espèces, non déclarés…).
Les territoires les plus impactés
Les grands pôles urbains représentent entre les 2/3 et les 3/4 des lieux de vie des ménages ayant formulé une demande d’aide alimentaire en 2020. Ceci rejoint l’étude de l’Observatoire des inégalités se basant sur les chiffres de l’INSEE qui montre que les communes les plus concernées par la pauvreté sont Paris (309 000) et Marseille (210 000) même si, au niveau départemental, les taux les plus élevés sont rencontrés en outre-mer (de 33 % en Martinique à 77 % à Mayotte contre moins de 13 % pour le plus concerné des départements métropolitains).
Le niveau de vie des plus pauvres en baisse
Le Secours Catholique applique à la population sous revue les différentes définitions « officielles » de la pauvreté.
Les différentes mesures de la pauvreté
L’INSEE calcule traditionnellement le taux de pauvreté monétaire en s’appuyant sur la distribution nationale des niveaux de vie et en retenant le seuil de 60 % de la médiane. Le seuil de 50 % est également fréquemment repris (par exemple par l’Observatoire des inégalités dans son rapport 2020-2021 sur la pauvreté en France. Enfin, un seuil à 40 % du niveau de vie médian, parfois qualifié « d’extrême pauvreté », peut également être utilisé.
Selon l’INSEE, la pauvreté n’aurait pas augmenté en 2020
Le taux de pauvreté serait stable, à 14,6 % de la population. Ce chiffre, encore provisoire, estimé par l’INSEE par microsimulation, peut surprendre : malgré la crise économique la plus grave enregistrée depuis la tenue des comptes publics, la pauvreté n’aurait pas augmenté en France. Ce résultat s’expliquerait par les mesures de soutien mises en place par l’État au cours de cette crise, mais aussi par des limites inhérentes à l’exercice de microsimulation, qui laisse par exemple de côté les individus vivant en communautés (étudiants, retraités, etc.) ou les personnes sans domicile. Le taux de pauvreté monétaire en France en 2020 ne sera définitivement connu qu’en 2022 avec la publication des résultats de l’Enquête Revenus fiscaux et sociaux pour l’année 2020.
Les plus pauvres aidés par le Secours
Le niveau de vie médian des personnes secourues par le Secours Catholique est de 537 euros. Deux tiers des personnes aidées par le Secours Catholique se situent sous le seuil d’extrême pauvreté et disposent donc d’un niveau de vie inférieur à 735 euros par mois. 22 % des ménages accueillis ne disposent même d’aucune ressource financière.
La part des étrangers secourus continue à augmenter pour atteindre 46 % en 2020, dont près de 60 % sans papier ou en attente de régularisation, même si, du fait des difficultés de circulation, la proportion de ceux présents en France depuis moins d’un an a baissé de 14 % à 6 %. Ces étrangers représentent plus de la moitié des couples avec enfants réclamant de l’aide. Et ils sont pauvres parmi les pauvres, avec un revenu médian mensuel de 83 €.
Enfin, les personnes aidées par le Secours Catholique sont majoritairement inactives (58,3 %), ce qui signifie qu’elles ne sont ni en emploi, ni au chômage. Disposer d’un travail protège de la pauvreté, mais dans une certaine mesure seulement : près de 15,3 % des personnes ayant sollicité le Secours Catholique ont un emploi, le plus souvent en intérim ou saisonnier.