« On doit rebâtir les termes d’une indépendance productive », déclarait, le 12 octobre dernier, Emmanuel Macron à l’occasion du discours de présentation du plan France 2030 . Repris par plusieurs candidats à l’élection présidentielle, le thème de la réindustrialisation de la France apparaît désormais comme un enjeu politique essentiel. La publication des derniers chiffres du commerce extérieur français devrait donner des arguments supplémentaires à ces candidats. Selon les Douanes, le déficit de la balance commerciale française s’est élevé à 84,7 milliards d’euros en 2021, ce qui constitue un record historique ! Celui-ci efface le précédent, datant de 2011. La balance commerciale affichait alors un déficit de 75 milliards d’euros.
Qu’est-ce que la balance commerciale ?
Selon la définition de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la balance commerciale est « le compte qui retrace la valeur des biens exportés et la valeur des biens importés ». Le solde de la balance commerciale est obtenu en soustrayant la valeur des importations d’un pays à ses exportations. Si le solde est positif (respectivement négatif), on parle d’excédent (resp. de déficit) commercial.
Dans de nombreux pays, la balance commerciale inclut les flux de biens et de services. Cependant, en France, la balance commerciale enregistre uniquement les flux liés aux exportations et importations de biens. Pour la calculer, les Douanes françaises procèdent à l’évaluation des biens importés et exportés. Plusieurs catégories de produits sont prises en compte (textiles, parfums, chimie, automobiles, énergies, hydrocarbures, etc.). On ajoute à cette statistique les échanges liés au matériel militaire et à l’avitaillement des navires et des avions.
Concernant l’Union européenne, c’est Eurostat, office statistique de l’UE, qui se charge du calcul. Celui-ci ne prend pas en compte les mouvements commerciaux au sein des pays membres. La balance commerciale représente donc les importations et exportations de biens et de services entre d’une part les pays de l’UE et d’autre part les autres pays du monde.
La balance commerciale est l’une des composantes de la balance des paiements, un document de comptabilité nationale qui retrace l’ensemble des flux économiques (biens, services, capitaux et flux financiers) entre un pays et le reste du monde au cours d’une année.
Les chiffres du commerce extérieur de la France
En 2021, le déficit de la balance commerciale a atteint 84,7 milliards d’euros en France, un record. Au cours de l’année dernière, la France a, en effet, importé des biens pour une valeur totale de 585,6 milliards d’euros, et exporté des biens représentant 500,9 milliards d’euros.
Si l’on compare ces chiffres avec ceux des années antérieures à la pandémie de Covid-19 – qui a notamment perturbé les échanges internationaux –, on constate que c’est surtout le montant des importations qui a augmenté. Il était respectivement de 554,7 et 566,6 milliards d’euros en 2018 et 2019. À l’inverse, la valeur des biens exportés par la France est restée stable, autour de 500 milliards d’euros.
Le secteur de l’énergie et le contrecoup du Covid-19 pointés du doigt
La pandémie mondiale et les confinements ont eu pour conséquence une forte diminution des échanges commerciaux internationaux en 2020. En 2021, on s’attendait donc à un fort rebond. Et c’est le cas. Cependant, les exportations (+ 17 %) françaises ont moins progressé que les importations (+18,8 %).
Deux tiers de la hausse s’expliquent par le rebond de la consommation et donc l’importation de produits manufacturés (+14,7 % contre -10,1 % en 2020). Mais c’est bien le secteur de l’énergie qui enregistre le plus grand déficit, avec un solde négatif de 43,1 milliards d’euros, une tendance notamment liée à la hausse des prix du gaz et du pétrole (en 2021 le cours du Brent a augmenté de 68 %).
Une balance commerciale française déficitaire depuis 2002
Si une balance commerciale fortement déficitaire est effectivement le signe que la France a une économie dépendante des autres pays, il apparaît néanmoins nécessaire de relativiser ce constat. Le fait que l’année 2021 établisse un nouveau record est, en effet, davantage lié à l’augmentation des prix des matières premières qu’à un changement structurel de l’industrie française.
En effet, le solde de la balance commerciale française n’a pas été positif depuis 2002. Pourtant, sur la même période, la France a connu une croissance positive. C’est parce que la courbe de la croissance n’est pas corrélée à l’évolution de la balance commerciale. De plus, la désindustrialisation de la France n’est pas uniquement liée à la concurrence extérieure mais également à une tertiarisation de l’économie française.
Le flux des services – par définition, non comptabilisé dans la balance commerciale de la France –, enregistre, en 2021, un excédent record de 36,2 milliards d’euros.
L’euro condamne-t-il la France à un déficit commercial ?
La critique d’un euro « trop fort » pour la France prend sa source dans le déficit de la balance commerciale. La France n’ayant pas la maîtrise de sa politique monétaire (confiée à la BCE), elle ne peut pas décider de dévaluer l’euro pour rendre ses produits plus attractifs à l’étranger.
Si 1€ = 2$, un Français peut avec le même montant acheter 4 fois plus de marchandise américaine que si 1€ = 0,5$, et inversement. Une monnaie est dite « trop forte » quand son taux de change avec les devises étrangères est un frein aux exportations vers les autres pays, ces derniers trouvant les produits trop chers.
Toutefois, une dévaluation de l’euro, avant même de permettre l’augmentation des exportations, aurait pour effet, à court terme, d’augmenter la valeur des importations et donc de creuser un peu plus le déficit commercial. Rien ne garantit alors qu’une dévaluation d’une devise entraîne une amélioration du solde commercial du pays concerné. Concernant la France, une telle mesure n’aurait donc pas nécessairement un effet favorable car le déficit commercial provient en grande partie de la dépendance en énergie et en produits manufacturés.
Quel est le risque d’un trop grand déficit ?
Une balance commerciale négative n’est pas en soi une mauvaise nouvelle. On l’a vu : cela ne dit pas grand-chose de la croissance, ni du chômage ou encore de l’état d’une économie. D’ailleurs, l’Argentine a généralement un excédent commercial, tandis que les États-Unis sont eux déficitaires.
Un déficit commercial peut même être perçu comme un investissement. C’est le cas notamment lorsqu’un pays « s’endette » via des achats de produits à l’étranger pour consommer de l’énergie afin de relancer son économie. Concernant la France, le rapport des douanes sur le chiffre du commerce extérieur conclut justement que la croissance des importations est tirée par la consommation intermédiaire et l’investissement.
En revanche, une balance commerciale déficitaire peut devenir un problème économique lorsque la dette qu’elle engendre est trop lourde à supporter. De plus, il peut impliquer des dépendances à des puissances étrangères ainsi qu’un manque d’autonomie dans des secteurs stratégiques (énergies, manufactures, chimie) et donc constituer un problème « politique ».