De nombreux candidats en faveur d’une augmentation du Smic
Une éventuelle revalorisation du Salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) constitue l’un des enjeux majeurs de la campagne présidentielle en cours en matière économique. Actuellement fixé à un montant mensuel brut de 1 603,12 euros, soit 1269,03 euros net, le Smic concerne près de 2 millions de salariés, soit environ 12 % de l’emploi salarié selon les données de la Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES). Décider d’une augmentation du salaire minimum est donc l’une des possibilités pour le gouvernement de stimuler directement le pouvoir d’achat de ces salariés, mais également d’influencer l’évolution de l’ensemble des salaires en France. Dans un contexte marqué par le retour de l’inflation, les propositions des différents candidats sur le Smic sont donc scrutées de près.
De nombreux candidats à l’élection présidentielle proposent une revalorisation du Smic, dans des proportions certes fort différentes. Le Smic serait fixé à 1 400 euros net pour Jean-Luc Mélenchon et Jean Lassalle, 1 446 euros net pour Anne Hidalgo, 1 500 euros net pour Fabien Roussel, 1 500 euros net d’ici la fin du quinquennat pour Yannick Jadot, 1 800 euros net pour Philippe Poutou et, enfin, 2 000 euros net pour Nathalie Arthaud.
Le mode de revalorisation du Smic
Le mode de revalorisation du montant du Smic est fixé par l’article 3231 du Code du travail qui prévoit trois cas :
– Une revalorisation du Smic au 1er janvier de chaque année tenant compte de l’inflation constatée pour les ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie et des gains de pouvoir d’achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés ;
– Une revalorisation du Smic en cours d’année si l’indice des prix à la consommation hors tabac pour les ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie dépasse 2 %. Le Smic est alors augmenté du même pourcentage que l’évolution de cet indice ;
– Le gouvernement peut, enfin, à tout moment décider d’augmenter le Smic. On parle alors de « coup de pouce ». C’est à travers ce troisième cas que doivent être comprises les propositions citées ci-dessus.
D’autres personnalités politiques – celles classées le plus à droite dans le spectre politique : Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen et Éric Zemmour –, proposent, quant à elles, de ne pas augmenter directement le Smic, mais d’alléger les impôts et les cotisations sociales pesant sur les bas salaires.
Enfin, Valérie Pécresse et Emmanuel Macron n’ont, à notre connaissance, pas communiqué de propositions concernant le montant du Smic.
La revalorisation du Smic : qu’en pensent les économistes ?
Sur la revalorisation du Smic, comme sur de nombreuses questions, il n’existe pas de consensus parmi les économistes. Pour certains, une revalorisation du Smic serait souhaitable puisqu’elle permettrait de renforcer le pouvoir d’achat des salariés le percevant. Il s’ensuivrait une dynamique positive dans laquelle l’augmentation des salaires stimulerait la demande et donc plus généralement l’activité économique.
Des travaux sur le salaire minimum récompensés par le prix Nobel d’économie
David Card, l’un des lauréats du prix Nobel d’économie en 2021, a montré dans un article influent publié en 1994 qu’une augmentation du salaire minimum dans l’État américain du New Jersey n’avait pas eu d’effet négatif sur l’emploi. Il a pour cela comparé, avec son co-auteur Alan Krueger, l’évolution de l’emploi dans des restaurants de fast food au New Jersey et en Pennsylvanie, l’État voisin non concerné par l’augmentation du salaire minimum et n’y a trouvé aucune divergence majeure.
Pour d’autres économistes, au contraire, une augmentation du Smic aurait l’inconvénient d’impacter les entreprises et de pénaliser, en augmentant le coût du travail, l’emploi de populations traditionnellement plus touchées par le chômage : les jeunes et les personnes les moins qualifiées.
L’augmentation du Smic n’impacte pas que les salariés payés au Smic mais également les apprentis qui sont payés en proportion du Smic et surtout la grille des salaires de la plupart des conventions collectives. Car les salariés percevant un peu plus que le Smic seront directement inclus dans cette augmentation surtout si elle est d’un montant élevé. Et ceux qui, après augmentation du Smic, se retrouvent au niveau du Smic ou à peine au-dessus alors qu’ils gagnaient sensiblement plus, se sentiront déclassés et réclameront eux aussi une augmentation – par la voix de leurs syndicats.
Ces arguments sont d’ailleurs régulièrement repris par le Comité des experts Smic, chargé de se prononcer chaque année sur l’évolution du salaire minimum et de conseiller le gouvernement quant à un éventuel « coup de pouce ». Dans son rapport annuel 2021, le Comité écrivait, en effet :
Le contexte d’une sortie très progressive de la crise de la COVID suggère de prioriser la consolidation des fortes créations d’emploi récentes par rapport aux gains de pouvoir d’achat salarial. De plus, avant la crise de la COVID, la situation structurelle de l’économie française s’améliorait mais demeurait fragile, avec un chômage encore très élevé et une compétitivité relativement faible dont témoigne un solde commercial continûment négatif depuis 2006. À ces considérations s’ajoute le constat de l’inadaptation du SMIC pour réduire la pauvreté laborieuse dont le premier facteur est le nombre d’heures travaillées, bien avant le niveau du salaire horaire.