Après avoir fait le point sur les propositions électorales en matière successorale, le Smic ou encore les retraites, nous poursuivons notre série avec un thème cher à tous : les impôts !
Ici encore, les propositions des candidates et candidats à l’élection présidentielle sur le sujet des impôts sont assez divergentes. Et au fil des années passées, la fiscalité des ménages a été régulièrement relevée, ou abaissée. Au-delà de l’impôt sur le revenu, le « spectre » de l’impôt sur la fortune revient en force chez les candidats de gauche. Sans oublier la chasse (illusoire ?) aux niches fiscales.
Pour une baisse globale de la charge fiscale
Emmanuel Macron prévoit la poursuite des baisses d’impôt initiée pendant son mandat, sans plus de précision. Mais au-delà, il prévoit plusieurs mesures, comme la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, ainsi que la possibilité pour les concubins de pouvoir faire une seule déclaration de revenu (comme les couples mariés ou pacsés). Ce dispositif permettrait de réduire la note fiscale, notamment si les revenus du couple sont disparates.
Parmi les autres mesures, le candidat d’En marche prévoit le triplement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, qui est exonérée de charges pour l’entreprise et d’impôt pour les salariés.
Valérie Pécresse souhaite défiscaliser intégralement les heures supplémentaires (qui sont actuellement exonérées dans la limite de 5 000 €), et relever le plafond du crédit d’impôt pour les emplois à domicile. Il passerait de 6 000 € à 10 000 € (majoré pour enfants à charges et personnes dépendantes).
La candidate LR envisage de créer une aide à l’investissement de proximité dans les zones rurales. Le crédit d’impôt serait de 50 %, sur un investissement de 20 000 €. Rappelons qu’il existe déjà les FIP (fonds d’investissements de proximité) qui offrent un avantage fiscal de 25 % dans la limite de 12 000 € ou 24 000 € (personne seule ou couple).
Eric Zemmour annonce plusieurs mesures : le doublement du plafond du quotient familial de 1 592 à 3 000 €, permettant aux familles de réduire leur impôt, le rétablissement de la demi-part fiscale pour les veuves et veufs, et la suppression de la taxe audiovisuelle. Il prévoit également d’exonérer totalement l’épargne salariale (qui n’est pas taxée aujourd’hui si les sommes sont placées dans un plan, seuls subsistent les prélèvements sociaux). Il souhaite remettre en place la niche fiscale permettant aux primo-accédants de bénéficier d’une déduction des intérêts d’emprunt. Une mesure initialement votée dans le cadre du quinquennat Sarkozy.
Sur le sujet de l’Impôt sur la Fortune Immobilière, le candidat de reconquête prévoit l’exonération totale de la résidence principale, et la réintroduction de l’avantage fiscal pour l’investissement dans les PME (qui a été supprimé lors du passage de l’ISF à l’IFI).
Marine Le Pen souhaite supprimer l’impôt sur le revenu pour tous les jeunes de moins de 30 ans. Et pour les familles, une part fiscale sera accordée dès le 2ème enfant (actuellement les deux premiers enfants donnent droit à une demi-part chacun).
La candidate du rassemblement national envisage de supprimer l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI), et de le remplacer par un impôt sur la fortune financière (IFF) destiné à lutter contre la spéculation.
La chasse aux niches fiscales
Cette « tradition » française fait toujours débat ! Les niches fiscales sont dans le collimateur de nombreux prétendants, notamment à gauche. La plupart de ces régimes dérogatoires ont une justification économique (encourager le secteur du bâtiment, favoriser les emplois à domicile…) mais leur efficacité n’est pas toujours prouvée. Le rapport de Joël Giraud, ministre de la Cohésion des territoires de 2019, précise que certaines niches non efficientes ont été supprimées (*), mais que la démarche est insuffisante. Les leaders de la France insoumise, des verts et du parti communiste souhaitent notamment remettre à plat ce système.
Serrage de vis à gauche !
Anne Hidalgo n’intègre pas dans son programme de mesures spécifiques pour l’impôt sur le revenu. Elle prévoit de créer un Impôt de Solidarité sur la Fortune Climat et Biodiversité afin de mettre à contribution les plus fortunés pour financer la transition énergétique.
Jean-Luc Mélenchon souhaite une « révolution fiscale » : le barème de l’impôt sur le revenu serait plus progressif (avec 14 tranches d’imposition contre 5 actuellement, dont la dernière pourrait avoisiner 90 %), et le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) serait supprimé pour les revenus du capital, qui seraient imposés comme ceux du travail. Par ailleurs, le quotient familial, jugé injuste, serait supprimé au profit d’un crédit d’impôt pour les enfants.
L’ISF serait rétabli, en y ajoutant un volet climatique.
Yannick Jadot, tout comme Jean-Luc Mélenchon, envisage de durcir fortement la fiscalité des ménages aisés. Le barème de l’impôt serait révisé et les taux augmentés pour les hauts revenus ; et le quotient conjugal serait supprimé : chaque contribuable serait taxé selon ses propres revenus. Exit le PFU (ou flat tax) : la fiscalité des revenus du capital serait alignée sur celle du travail.
Le candidat des « verts » annonce la création d’un impôt climatique sur la fortune pour les patrimoines supérieurs à 2 millions d’euros.
Fabien Roussel envisage également de réformer l’impôt sur le revenu : création de 15 tranches, rétablissement et triplement de l’ISF. Le candidat communiste prévoit également de réduire le taux de TVA sur les produits énergétiques.
Philippe Poutou milite également pour le rétablissement de l’ISF et promet un net durcissement de la fiscalité des hauts revenus. Au-delà de 5 Smics annuels (108 000 €), pas de quartier : prélèvement de 100 % des sommes excédantes. La TVA serait supprimée sur les biens de première nécessité.
Peu de mesures fiscales pour Nathalie Arthaud, Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan
Nathalie Arthaud souhaite supprimer la TVA, excepté sur les produits de luxe.
Jean Lassalle souhaite rétablir l’ISF et réduire la TVA sur les hydrocarbures.
Nicolas Dupont-Aignan propose de rétablir l’ISF, en exonérant la résidence principale. Il souhaite également réduire à 10 ans le délai de détention permettant l’exonération des plus-values immobilières (contre 22 ans actuellement).
Faut-il rétablir l’ISF ?
La suppression de l’ISF en 2017, au profit de l’Impôt sur la Fortune Immobilière, est un sujet de discorde pour les économistes ! D’un côté, Thomas Piketty, pour qui l’abolition de cet impôt est une faute historique, et les économistes atterrés qui rappelaient en 2019 que « l’ISF rapportait à l’État 4,5 milliards d’euros de recettes fiscales. Transformé en IFI, il ne rapporte plus que 1,2 milliard, soit une perte nette de 3,2 milliards d’euros pour les finances publiques ». Même son de cloche chez Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019, pour qui « Avoir un impôt sur la richesse permet de taxer les revenus des richesses, au même titre que les revenus du travail ».
De l’autre, des experts comme Philippe Marchessou, qui estime que « la réorganisation de l’ISF n’est pas un cadeau fait aux riches, c’est la correction d’une injustice et un pari sur le développement de la prise de risque et de l’envie d’investir ». Pour Elie Cohen « la France surtaxe le capital. Selon Eurostat, le taux implicite d’imposition du capital est de plus de 45 % en France, contre 22 % en Allemagne ».
L’efficacité de l’IFI en question
La transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière avait pour but d’inciter les épargnants à investir davantage dans l’économie réelle. Mais les effets de cette réforme ne se font encore guère sentir. Selon le rapport 2021 de France Stratégie, « l’observation des grandes variables économiques – croissance, investissement, flux de placements financiers des ménages, etc. – avant et après les réformes ne suffit pas pour conclure sur l’effet réel de ces réformes. En particulier, il ne sera pas possible d’estimer par ce seul moyen si la suppression de l’ISF a permis une réorientation de l’épargne des contribuables concernés vers le financement des entreprises ». On note simplement une baisse des départs à l’étranger de contribuables (moins de 300 en 2018 et 2019 contre 750 en 2017 par exemple), mais pas d’impact sur l’investissement dans les entreprises.
Dans le même temps, le pouvoir d’achat des ménages les plus aisés a largement bénéficié de la suppression de l’ISF : selon plusieurs études, ce sont en effet les ménages figurant dans le haut de la distribution des niveaux de vie qui ont vu leur pouvoir d’achat augmenter le plus au cours des 5 dernières années.
(*) Rapport déposé en application de l’article 145 du règlement, par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur l’application des mesures fiscales (assemblee-nationale.fr).