Le 1er février 2022, les ministres de tutelle des EHPAD avaient signé une lettre de mission chargeant l’IGAS et l’IGF d’une mission de contrôle sur ORPEA, suite aux révélations du journaliste Vincent Castanet dans son ouvrage « Les fossoyeurs ». Six semaines et plus de 500 pages plus tard, les rapporteurs dressent un tableau sans complaisance des pratiques du groupe ORPEA qui gère des EHPAD dans le monde entier. Il note toutefois que la plupart des reproches adressés au groupe touchent l’ensemble du secteur des établissements de soins aux personnes âgées dépendantes. Et que des raisons structurelles expliquent que l’État n’ait pas décelé ces failles plus tôt.
Les EHPAD d’ORPEA : un contrôle très lâche
On pourrait s’étonner que les problèmes relevés dans l’ouvrage de Vincent Castanet et le rapport d’inspection n’aient pas été détectés par les autorités de contrôle. À ce reproche implicite, le rapport donne la réponse suivante : le cadre réglementaire de contrôle par la tutelle a été considérablement assoupli en 2015, et le cadre comptable soulève des difficultés pratiques. Ces faiblesses structurelles sont renforcées par celle des moyens des agences régionales de santé (ARS) et l’absence d’échanges avec d’autres corps de contrôle comme l’inspection du travail. La faiblesse du contrôle – associée au souci du groupe de maximiser son profit – explique peut-être que le reporting n’ait pas été très clair.
Des documents financiers non sincères
Cette partie du rapport est relativement technique. Elle pointe du doigt des pratiques comptables qui gonflent des excédents sur les forfaits soins et dépendance financés sur fonds publics. Ces derniers ont pu en conséquence financer des charges, notamment d’hébergement, qu’ils n’auraient pas dû. Ils ont également pu être redistribués aux actionnaires d’ORPEA.
De nombreuses défaillances dans la gestion des EHPAD
Les reproches adressés à ORPEA tournent essentiellement autour de deux points : une organisation très centralisée et une gestion des ressources humaines très dégradée, qui entraîne une mauvaise prise en charge des résidents.
Une organisation très centralisée
Les établissements sont pilotés par les directions régionales, qui répercutent les décisions du siège et donnent la priorité à la performance financière. Le rapport met sur le compte de cette centralisation excessive le constat du dépassement récurrent de la capacité d’accueil autorisée.
Une gestion des ressources humaines dégradée
Le rapport dénonce des taux de rotation du personnel très élevés. Il déplore un trop grand nombre de CDD de courte durée. Il pointe aussi du doigt une absence de stratégie pour attirer le personnel en termes de rémunération ou de conditions de travail.
Une mauvaise prise en charge des résidents
La mauvaise qualité de la prise en charge des résidents est également dénoncée par le rapport. Ainsi qu’une organisation défaillante en dépit – ou à cause – de la multiplication des procédures et protocoles. Un suivi qualité défectueux est également pointé du doigt. Ce suivi défectueux empêche les établissements de corriger les défaillances mises en avant par les contrôles externes. On notera que contrairement à ce qui était largement rapporté dans la presse, « la mission n’a pas constaté de rationnement sur les protections ».
Un secteur globalement sinistré
Le rapport observe que les difficultés de recrutement du personnel sont communes à l’ensemble du secteur. La multiplication des « faisant fonction » est répandue et mal appréhendée par l’État. Le taux d’encadrement des résidents, légèrement inférieur au taux moyen du secteur des EHPAD privés (61,6 salariés pour 100 lits contre 62,1 en moyenne), n’a rien d’exceptionnel. Le groupe est mieux doté en infirmiers et en médecins coordonnateurs que les autres.
Ce que la mission ne dit pas c’est que le rapport prix/qualité des soins, dans le cas des EHPAD gérés par ORPEA, est très élevé. Ce qui peut s’expliquer à la fois par le retour sur investissement qu’un groupe coté est obligé d’offrir à ses actionnaires et par le coût des investissements immobiliers et de l’entretien des locaux qui passent avant la qualité de la prise en charge des résidents.