La forte dépréciation du yen
Le yen est traditionnellement considéré comme une valeur refuge. À l’instar de l’or, il est jugé plus sûr et donc particulièrement recherché en période d’instabilité ou d’incertitude économiques. Le yen s’est, par exemple, fortement apprécié entre 2007 et 2011 à la suite de la crise des subprimes.
Une partie du vocabulaire lié aux mouvements des devises dépend du régime de change en vigueur. Dans un régime de change flottant, on parlera ainsi d’appréciation (ou de dépréciation) pour désigner la hausse (ou respectivement la baisse) du cours d’une devise sur le marché des changes. Dans un régime de change fixe, on parlera plutôt de réévaluation et de dévaluation, car ce sont alors les autorités monétaires qui décident de modifier la parité de change.
Depuis le déclenchement de la pandémie de Covid-19, le statut de valeur refuge du yen est mis à mal. La devise japonaise s’est en effet dépréciée de manière quasi continue au cours des 18 derniers mois. Entre le 1er janvier 2021 et le 16 mai 2022, le yen a, ainsi, perdu près de 25 % de sa valeur par rapport au dollar.
Les causes de la dépréciation du yen
L’explication principale de la dépréciation du yen réside dans la divergence des politiques monétaires menées au Japon, d’une part, et dans le reste du monde et en particulier aux États-Unis, d’autre part. La Banque du Japon mène toujours à l’heure actuelle une politique monétaire particulièrement accommodante afin de stimuler l’inflation – qui demeure inférieure à 2 % – et l’activité économique au sein de l’archipel. Au contraire, la Réserve fédérale (FED), la Banque centrale américaine, a engagé, depuis plusieurs semaines, un durcissement de sa politique monétaire, marquée notamment par une augmentation des taux d’intérêt directeurs, ainsi que par l’annonce d’un quantitative tightening. Avec ces décisions, la FED tente de freiner l’inflation, qui dépasse, en rythme annuel, 8 % aux États-Unis.
Cette divergence des politiques monétaires se traduit par des taux d’intérêt plus faibles au Japon notamment par rapport aux États-Unis. Dans ce contexte, les placements en yen sont moins attractifs, ce qui se traduit par une diminution de la demande de yen sur le marché des changes.
La dépréciation du yen s’explique également par la hausse des prix de l’énergie. Le secteur énergétique japonais dépend, en effet, fortement des importations. Or, le prix de celles-ci augmente en raison de la reprise économique post Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Ces importations sont réglées en dollars. Ainsi, face à l’augmentation des prix de l’énergie, la demande de dollars et l’offre de yen augmentent, ce qui tend à déprécier la devise japonaise.
Quelles implications pour l’économie japonaise ?
Cette dépréciation du yen pourrait avoir de nombreuses conséquences pour l’économie japonaise. Elle devrait, tout d’abord, provoquer une augmentation du niveau général des prix. En effet, une dépréciation d’une devise est généralement à l’origine d’une « inflation importée » : le coût des produits importés et libellés dans une autre devise – comme c’est le cas pour l’énergie – augmente. Cela pourrait constituer une « bonne » nouvelle pour le Japon, en proie à une inflation particulièrement faible depuis de nombreuses années, mais cette inflation importée pourrait également avoir des conséquences négatives sur la reprise de l’activité économique.