Forte chute du cours des cryptomonnaies
Les cours des principales cryptomonnaies connaissent depuis plusieurs semaines des baisses substantielles et quasi continues. Le Bitcoin, le Binance Coin, l’Ethereum et le Ripple – pour n’en citer que quatre – ont ainsi vu leur valeur fondre de 58 à 72 % depuis le 1er novembre 2021. Les cours du Bitcoin sont, temporairement, repassés sous la barre symbolique des 20 000 dollars au cours du mois de juin, un niveau qui n’avait plus été atteint depuis la fin de l’année 2020.
La plupart des cryptomonnaies sont concernées par cette chute des cours. Elle touche également certaines stablecoins, dont la particularité est d’être adossées à des actifs de réserve, censé garantir la stabilité de la valeur dans le temps.
Vers un défaut de paiement du Salvador
À la fin de l’été 2021, le Salvador a été le premier pays au monde à adopter le Bitcoin comme monnaie officielle. L’expérience est loin de satisfaire toutes les attentes placées en elle et la chute des cours des cryptomonnaies pourrait bien aggraver la situation économique de ce pays d’Amérique centrale. Le Salvador a, en effet, acheté pour plus de 100 millions de dollars de bitcoins, dont la valeur ne cesse de fondre depuis…
En raison des nombreux déséquilibres que connaît actuellement le Salvador, le pays a vu sa note souveraine abaissée à CCC+ au début du mois de juin par l’agence de notation Standard & Poor’s. Le pays n’est donc qu’à deux grades de notation d’une situation de défaut de paiement.
Quelle est la valeur intrinsèque des cryptomonnaies ?
Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer la chute des cours des cryptomonnaies. De nombreux économistes expliquent, tout d’abord, que les cryptoactifs n’ont aucune valeur intrinsèque. Dans l’analyse financière traditionnelle, la valeur d’un actif correspond à l’ensemble des flux monétaires actualisés que cet actif génèrera dans le futur.
Ainsi, la valeur intrinsèque d’une action est égale à la valeur actualisée des dividendes que versera l’entreprise émettrice.
Or, les cryptomonnaies ne génèrent habituellement pas de flux monétaires : ces actifs n’auraient donc pas de valeur autre que la confiance placée en eux par certains acteurs économiques. Les défenseurs des cryptomonnaies objecteraient que d’autres actifs ne génèrent pas de flux monétaires et disposent pourtant d’une valeur intrinsèque non nulle : c’est le cas par exemple des « valeurs refuges » c’est-à-dire des actifs dont la valeur progresse en période de crise, tels que l’or. L’évolution récente du cours des cryptomonnaies n’est, toutefois, pas compatible avec le statut de valeur refuge : depuis fin 2021, leur valeur diminue en même temps que l’activité économique ralentit et elles ne permettent pas de se protéger du retour de l’inflation.
Le rôle de l’endettement et l’absence de règlementation
Comme c’est le cas pour d’autres actifs, l’endettement joue un rôle important dans l’explication des fluctuations des cryptomonnaies. De nombreux investisseurs ont, en effet, emprunté pour acheter des cryptomonnaies. Cette recherche d’un effet de levier est rendue possible par certains courtiers qui exigent en contrepartie des investisseurs le dépôt de fonds en guise de garantie. Cette caractéristique permet de rendre compte de la rapidité des fluctuations des cours, tant à la hausse qu’à la baisse.
En effet, lorsque la valeur des cryptomonnaies achetées à crédit diminue, l’intermédiaire financier procède à un « appel de marge » en demandant à l’investisseur d’augmenter la valeur de son dépôt de garantie. Certains investisseurs, désireux d’éviter d’essuyer de trop lourdes pertes, préfèrent alors liquider leurs positions et vendre les cryptomonnaies… ce qui accélère la chute des cours !
Ce mécanisme est amplifié sur le marché des cryptomonnaies par l’absence de réglementation. En effet, sur les marchés financiers « traditionnels », les banques centrales peuvent endosser le rôle de prêteur en dernier ressort et avancer des fonds en urgence à un intermédiaire financier, incapable de trouver des liquidités à court terme. Un tel « filet de sécurité » n’existe pas, à l’heure actuelle, pour les plateformes de services financiers en cryptomonnaies. De plus, les dépôts bancaires font l’objet d’une garantie – au moins partielle – de la part de l’État, contrairement aux fonds déposés auprès d’opérateurs de cryptomonnaies.
Les déboires de Celsius Network
La trajectoire de Celsius Network, société spécialisée dans les prêts en cryptomonnaies, illustre les conséquences de cette absence de réglementation. Celsius Network a annoncé le 13 juin dernier suspendre l’ensemble des retraits et des transferts, en raison de « conditions de marché extrêmes ». Alors que Celsius Network ne peut s’adresser au régulateur pour combler ce manque de liquidités, il apparaît de plus en plus probable que l’entreprise finisse par déposer le bilan, réduisant ainsi à néant les 11 milliards de dollars d’actifs qu’elle gérait.