Selon la revue de l’Investment Company Institute, en 2021, les fonds de gestion passive ne détenaient pas moins de 16 % de la valorisation boursière américaine contre 14 % pour les fonds de gestion active. Il y a dix ans, ce chiffre n’était que de 8 % contre 20 % pour les fonds actifs.
Gestion active et gestion passive
Dans une stratégie de gestion active, le gestionnaire (ou gérant) du fonds a pour objectif de maximiser la valeur de son portefeuille, et d’essayer d’obtenir un rendement supérieur à celui du marché. Ainsi, il sélectionne des titres en fonction de ses analyses de marchés, de secteurs, et d’entreprises. Investir dans un fonds actif implique une confiance de l’investisseur dans les compétences du gestionnaire. Mais ce travail du gérant a un coût, parfois élevé, sans garantie de résultat.
À l’inverse, la stratégie passive consiste à répliquer un indice. De ce fait, le travail du gérant est mineur, des machines peuvent le remplacer. Les coûts sont faibles et l’investisseur a la garantie de s’approcher (au montant des frais prélevés près) de la performance de l’indice retenu.
En 2021, seuls 20 % des fonds gérés activement ont « battu le marché ». Autrement dit, 80 % des fonds gérés activement ont sous-performé et obtenu un rendement inférieur au marché, mesuré par un indice de référence. Sur une période de 15 ans, c’est près de 90 % des gestionnaires de fonds actifs qui sous-performent par rapport au S&P 500 (indice boursier basé sur 500 grandes sociétés cotées aux États-Unis).
Les deux instruments phares de la gestion passive sont les fonds indiciels, qui sont des OPC (organismes de placement collectif) et les trackers, mieux connus sous l’acronyme ETF (Exchange Traded Fund ou en français : fonds négociés en bourse). Si les deux répliquent la performance d’indices, les fonds indiciels, eux, fonctionnent comme des fonds classiques alors que les trackers sont achetés et revendus en temps réel comme des actions.
Au cours des dix dernières années, plus de 2 000 milliards de dollars auraient transité depuis les fonds de gestion active vers les fonds de gestion passive, en particulier vers les ETF, aux États-Unis.
L’ascension des trackers
Popularisés dans les années 1990, les ETF se sont rapidement installés comme un instrument incontournable de la gestion passive, plus liquide et plus accessible pour les « petits investisseurs » que les fonds indiciels.
Lancé en 1993 par State Street Global Investors, le S&P 500 Trust ETF est considéré comme le premier tracker de l’histoire. Aujourd’hui encore, il est l’un des ETF les plus échangés sur le marché mondial qui compte désormais près de 8 500 ETF.
Considérés comme un placement diversifié et donc moins risqué, les ETF sont apparus aux yeux du grand public américain comme un investissement idéal après la crise des subprimes. En 2019, la SEC – le régulateur américain des marchés financiers – a adopté de nouvelles règles facilitant l’accession des ETF au marché. Ainsi, entre 2010 et 2021, le marché américain des ETF a connu une croissance en valeur de plus de 760 %.
On peut parfois entendre parler d’ETF actifs. Apparus à la fin des années 2000, ces instruments ne sont pas indexés sur des indices boursiers, mais plutôt une sélection de titres. Ces ETF sont dits actifs, car ils impliquent un choix de la part du gestionnaire de fonds. Les ETF actifs restent marginaux. Aux États-Unis, leur valeur totale s’élevait fin 2021 à 285 milliards de dollars. À peine 4,2 % des 6 780 milliards de dollars des ETF indexés sur des indices.
Au niveau mondial, le marché des ETF est largement dominé par trois entreprises, BlackRock, Vanguard et State Street. À elles trois, ces sociétés spécialisées dans la gestion d’actifs détiendraient environ 80 % du marché des ETF.
Ces dernières années, ces entreprises sont parvenues à populariser les trackers en réduisant considérablement les coûts d’acquisition des ETF (empêchant par la même occasion l’arrivée de nouveaux entrants) et en profitant des très bonnes performances des indices boursiers (tels que le S&P 500) depuis la fin de la crise des subprimes.
La gestion passive de fonds, un risque pour le marché ?
Les ETF sont appréciés car ils prennent en compte toutes les valeurs composant un indice. Cependant, avec la part croissante d’ETF sur le marché, le risque est que la mauvaise performance d’un indice entraîne mécaniquement une vente massive des valeurs qui le composent (faisant en outre plonger les valeurs qui initialement n’étaient pas affectées). La baisse initiale d’une ou des valeurs composant l’indice est donc amplifiée par l’existence des fonds à gestion passive qui, par construction, font comme les autres acteurs du marché (effet moutonnier).
Néanmoins, les défenseurs des trackers et des fonds indiciels rétorquent que la gestion passive est généralement un placement à long terme. Dans ce cas, elle contribue à la stabilité du marché car les investisseurs ne réagissent pas (ou réagissent moins) aux fluctuations à court terme.
Autre biais lié à la gestion passive : elle conduit à acheter des titres qui ont bien performé dans le passé, ont de ce fait accru leur capitalisation boursière, et donc leur part dans l’indice et à vendre des titres bon marché, ce qui est contraire aux habituelles recommandations « acheter quand c’est bas et vendre au plus haut ».
Autre risque de la gestion passive : s’éloigner de la valeur fondamentale des entreprises puisque, par définition, le choix et la pondération des titres ne se fait que par référence à un indice, sans esprit critique par rapport à cet indice et aux sociétés qui le composent.
Enfin, le quasi-oligopole formé par BlackRock, Vanguard et State Street sur le marché des ETF préoccupe les régulateurs américains. Le boom de ces produits a largement accru l’influence des trois gestionnaires de fonds sur le marché américain. Les autorités craignent donc que ces entreprises fassent courir un risque systémique sur l’économie américaine.