La nouvelle loi relative au fonctionnement du marché du travail, adoptée par le Parlement le 17 novembre 2022, est en attente de promulgation en raison de la saisine du Conseil Constitutionnel par plus de 60 députés.
Parmi les dispositions faisant l’objet de la saisine, figure le système de « contracyclicité » introduit par la loi. Il s’agit d’un mécanisme de modulation des paramètres de l’assurance chômage en fonction de la conjoncture économique et de la situation du marché du travail.
L’objectif de cette réforme est d’inciter à reprendre plus rapidement un emploi, en durcissant les conditions d’accès à l’assurance chômage lorsque le marché de l’emploi est favorable.
Détermination de la « période verte » et de la « période rouge » en fonction d’un taux de chômage fixé à 9 %
Selon l’annonce faite par le ministère du Travail le 21 novembre 2022, l’indicateur utilisé pour distinguer les deux périodes sera le taux de chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT) et publié par l’Insee tous les trimestres.
Deux seuils seront pris en compte pour déterminer la nature de la période considérée, rouge ou verte :
- un taux de chômage de 9 %
- et une évolution de +0,8 point sur un trimestre.
Demandeurs d’emploi concernés par la modulation de la durée d’indemnisation chômage
Le mécanisme de modulation de la durée d’indemnisation du chômage s’appliquera aux nouveaux chômeurs à compter du 1er février 2023. La réduction de la durée d’indemnisation est définitive si, à la fin de sa période d’indemnisation, le demandeur d’emploi se trouve toujours en « période verte ». En revanche, si à la fin de ses droits au chômage, le marché du travail s’est détérioré et qu’il se retrouve en « période rouge », sa durée d’indemnisation pourra être prolongée de 25 %. Il bénéficiera de sa durée totale d’indemnisation.
Certains demandeurs d’emploi seront exclus de ce dispositif de modulation de la durée d’indemnisation :
- les intermittents du spectacle,
- les dockers,
- les pêcheurs embarqués,
- les travailleurs licenciés pour motif économique bénéficiant d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
Les territoires ultramarins sont également écartés de ce dispositif.
Les autres paramètres de l’indemnisation chômage ne sont pas concernés par ce dispositif de modulation :
- nécessité d’une durée d’affiliation minimale de 6 mois de travail au cours des 24 derniers mois (pour les salariés qui ont moins de 53 ans à la fin de leur contrat de travail) ;
- calcul du montant de l’allocation chômage.
Un décret précisant l’application de ces mesures doit être publié d’ici janvier 2023, après concertation avec les partenaires sociaux.
Que peut-on attendre d’une telle réforme du chômage ?
Pour le gouvernement, la diminution de la durée d’indemnisation doit permettre, d’une part, le « retour à l’emploi » de 100 000 à 150 000 personnes selon les déclarations d’Olivier Dussopt, ministre du Travail et, d’autre part, de répondre aux problèmes de pénurie de main-d’œuvre que traverse actuellement la France.
L’impact positif d’une telle réforme ne semble, toutefois, pas aller de soi. D’une part, les études économiques disponibles peinent à établir une corrélation entre une réduction de la durée d’indemnisation et le retour à l’emploi. Le chiffrage avancé par O. Dussopt apparaît, en outre, comme très spéculatif, étant donné l’absence d’étude d’impact de la réforme. D’autre part, cette réforme ne s’attaque pas aux causes mêmes de la pénurie de main-d’œuvre que connait actuellement l’économie française. Le paradoxe de l’existence simultanée de postes vacants et de personnes au chômage s’explique, en effet, surtout par des facteurs géographiques – les chômeurs ne vivent pas dans les territoires où des emplois sont vacants – et économiques – les postes vacants nécessitent des compétences spécifiques.
Il existe, aujourd’hui, de fortes disparités territoriales en France en matière de chômage. Le taux de chômage est de 7,3 % sur l’ensemble du territoire, mais atteint des niveaux nettement plus élevés dans certains départements, tels que les Pyrénées-Orientales (11,6 %), l’Aisne (10,6 %) ou encore l’Aude et l’Hérault (10,2 %).
Pour certains syndicats, la diminution de la durée d’indemnisation pourrait, en définitive, conduire à une plus grande précarisation de toute une frange de la population : certains chômeurs, arrivant en fin de droits, seraient poussés vers des emplois précaires ou peu adaptés à leur cas, ce qui ne les éloignerait pas durablement du chômage…