L’Observatoire des inégalités a présenté le 7 décembre la 3ème édition 2022/2023 du « Rapport sur la pauvreté en France ».
Publié grâce au soutien de plus de 750 contributeurs et d’organismes comme la Fondation Abbé Pierre, ce dossier présente l’intérêt de faire un état des lieux de la pauvreté en France – alors que le pays sort progressivement de la crise sanitaire -, de préciser qui sont les personnes concernées – essentiellement des jeunes et des urbains -, et où elles vivent -principalement dans les grandes villes et leurs banlieues.
Le Rapport fait par ailleurs un focus sur « la grande pauvreté » – à partir d’un nouvel indicateur de l’INSEE, et sur les personnes qui recourent à l’aide alimentaire.
La pauvreté s’est stabilisée en France mais reste importante
La pauvreté s’est stabilisée en France, le taux de pauvreté de 7,6 % en 2020 étant d’un niveau identique à celui de 2009. Cela signifie que la part de la population pauvre est « assez stable » depuis 20 ans et vit aujourd’hui avec au plus 940 euros par mois. Comme l’indique le rapport, « la pauvreté n’explose pas ». Principalement du fait du modèle social français qui « contient mieux la pauvreté que la plupart des pays européens ».
Un exemple : le nombre d’allocataires du RSA était en juin 2022 inférieur celui de juin 2019.
Le niveau de vie mensuel des 10 % les plus pauvres stagne depuis le début des années 2000 : 723 euros en 2003 contre 726 euros en 2019. Le nombre de personnes pauvres en France avoisine les 5 millions de personnes.
Ce montant est donc plus un « indicateur d’inégalité, pas de pauvreté absolue ». Un taux de pauvreté qui se stabilise signifie ainsi pour l’observatoire que « les inégalités ne diminuent plus en bas de la hiérarchie des revenus comme c’était le cas durant les années 1970. Une même proportion de population vit à l’écart de la norme des revenus des classes moyennes ».
Comment mesurer et définir la pauvreté ?
En France, la pauvreté est calculée à partir du niveau de vie médian (soit 1 880 euros, après impôts et prestations sociales) qui partage en deux la population : la moitié gagne plus et l’autre moitié moins. Pour fixer le seuil de pauvreté, la France (comme l’OCDE) utilise le seuil de 60% du niveau de vie médian (soit 1130 euros) voire 50% (soit 940 euros), seuil pour lequel opte l’Observatoire des inégalités depuis plusieurs années. Au total : avec un seuil de 50%, la France compte 4,8 millions de pauvres et avec un seuil de 60%, elle en compte 8,9 millions.
Les populations pauvres en France : jeunes, inactif et immigrés
Qui sont les pauvres ? A cette question, le Rapport apporte de nombreuses réponses qui viennent parfois contredire un certain nombre d’idées reçues.
Taux de pauvreté selon les âges
Les pauvres sont d’abord les enfants, les adolescents et les jeunes adultes (18-29 ans). Cette population jeune représente la moitié des pauvres en France. La tranche 18-29 ans concentre à elle seule le plus fort taux de pauvreté, du fait du chômage, des bas salaires et du fait les moins de 25 ans sans ressources sont actuellement exclus du droit du RSA. Le taux de pauvreté des moins de 18 ans n’est pas en reste : il était de 11,5% en 2019 contre 8,7 % en 2004, progression principalement due à la hausse du nombre de familles monoparentales durant la période, alors que « le fait de vivre à deux (en couple) protège en partie de la pauvreté ». 30% des pauvres n’ont aucun diplôme et 80% n’ont pas le baccalauréat.
Taux de pauvreté selon l’activité
Les pauvres sont aussi pour moitié, des « inactifs » c’est-à-dire à la retraite ou au foyer, étant précisé que parmi les inactifs vivant sous le seuil de pauvreté, les trois quarts ne sont pas des retraités mais surtout des jeunes non qualifiés, ou des femmes au foyer, qui ne sont pas ou plus dans un univers professionnel, souvent du fait de l’absence de diplôme et, découragés, ne recherchent pas de travail.
Taux de pauvreté selon les sexes
A noter que le taux de pauvreté est quasiment identique entre les femmes et les hommes (8,3 contre 8,1 en 2019). L’autre moitié de la population pauvre est « active » : on trouve là des salariés (21,5 %) ou des indépendants (11 %). Parmi les adultes pauvres, 16,7 % sont des chômeurs
Taux de pauvreté selon les origines
Selon l’Observatoire, 18,8 % des immigrés ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, ce qui est 2,6 fois plus que parmi les non-immigrés. Le taux de pauvreté monte à 24% pour les personnes nées en Afrique sub-saharienne contre 11,2% pour les immigrés nés en Europe. Au total, alors que les populations immigrées représentent 9% de la population totale, elles sont pour plus de 20% des personnes pauvres.
La pauvreté se concentre dans les grandes villes
Près des deux tiers des personnes dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté vivent dans des pôles urbains.
Selon le rapport, le taux de pauvreté est deux fois plus élevé dans les communes situées au centre des pôles urbains (20,7 %) que dans les couronnes périurbaines. Mais Paris concentre à lui seul plus de 300 000 pauvres, suivi par Marseille (211 000) et Toulouse (85 000).
Cette « géographie des pauvres » recèle de très importants écarts entre les départements. Si les taux de pauvreté dans les DOM et Mayotte sont extrêmement élevés et nettement au-dessus de la moyenne métropolitaine, en Métropole, les écarts vont de 5 % à 25 % selon les départements. Sans grande surprise, la Seine Saint Denis compte 283 000 personnes sous le seuil de pauvreté (INSEE, 2019), soit le département le plus pauvre de la métropole. Mais le sud de la France n’est pas épargné ainsi que les départements du Nord limitrophes de la Belgique. A l’inverse, la Vendée, la Savoir et le Finistère sont les départements les moins touchés par la pauvreté avec des taux de 5/6 %.
A eux-seuls, les 1 500 « quartiers prioritaires » concentrent un taux de pauvreté 3,5 fois plus élevé que dans le reste du pays. 44 % des habitants y vivent vous le seuil de pauvreté. Dans les vingt quartiers prioritaires les plus pauvres (Nice, Carpentras, Nîmes, les taux de pauvreté atteignent de 69 % à 76 %, soit des taux 5 fois supérieurs à la moyenne nationale (15 %).